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■ ACTU - Scandale Orpéa : 18 mois plus tard, quels enseignements ?

Victor Castanet, auteur du livre « Les Fossoyeurs » fruit d’une investigation de trois ans sur le groupe d’Ehpad privés Orpéa, était invité aux Asssises nationales des Ehpad. L’occasion de lui demander si ses révélations au grand public ont fait bouger les lignes.



Journaliste indépendant, Victor Castanet a révélé "un système qui maltraite nos aînés". ©Philippe Matsas/Leextra/Éditions Fayard

Un et demi après votre enquête, les règles qui encadrent les Ehpad privés ont-elles changé, ou les dérives sont-elles encore possibles ?
Ce qu’on peut dire c’est que les pratiques rapportées dans mon livre - d’optimisation des coûts, de détournement d’argent public avec des marges arrières, la question des excédents de dotation, les pratiques de violation au droit du travail avec des licenciements massifs sans motif, des faux CCD de remplacement - n’existent plus dans le groupe Orpéa. Et des réformes ont été prises dans cette entreprise pour réduire les niveaux de marge, augmenter les rations d’alimentation, les effectifs de personnel, etc. Dans le reste du secteur aussi il y a eu une prise de conscience et je pense que la notion de bénéfice raisonnable va faire son chemin.

Est-ce que le modèle commercial dans un secteur comme celui-ci n’amène pas forcément des dérives ?
Je ne pense pas qu’en soi, le secteur privé entraîne nécessairement des situations de maltraitances. J’ai vu des groupes privés qui avaient des niveaux de marge raisonnables, qui avaient une exigence sur la formation, les politiques RH, le nombre de soignants. Les problèmes arrivent quand les taux de rentabilité et les niveaux de marges sont trop élevés, ce qui oblige les établissements à réduire les coûts sur l’essentiel : la masse salariale, l’alimentation, les produits de santé, comme c’était le cas chez Orpéa. Il faut encadrer le niveau de rentabilité de ce secteur. Soit les groupes le font eux-mêmes et mettent en place une notion de « bénéfice raisonnable », soit c’est à l’Etat de le faire. Pour l’instant ça n’a pas été fait.

Quelle sont les autres mesures qui restent à prendre ?
Il faut plus de contrôles et des contrôles efficaces, par surprise. Le gouvernement s’y est engagé mais souvent les inspecteurs n’ont pas le temps et ils contrôlent mal, sans se déplacer, en jugeant sur pièces. Avant la sortie du livre, il y avait un contrôle tous les vingt ans ! C’est inimaginable dans un secteur qui accueille des personnes vulnérables et qui draine autant d’argent public. Ensuite, il faut de la transparence et des indicateurs de qualité : savoir pour chaque Ehpad quel est le coût de revient journalier (pour trois repas, un gouter, des boissons), l’un sera à 3,20€ et l’autre à 6€, quel est le ratio de personnel, le turn-over, cela permettrait aux familles de s’y retrouver, et aux établissements vertueux de sortir du lot. Au-delà des contrôles, la mesure la plus importante à prendre concerne le nombre de professionnels : il faut évidemment augmenter le ratio de personnel. Le gouvernement doit faire une annonce forte dans ce sens.

Propos recueillis par Mariette Kammerer


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