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■ ACTU - Suicides : Marche noire à Tours pour Éric et Luc
En trois ans deux éducateurs spécialisés du foyer de vie de la fondation Anaïs à La Membrolle-sur-Choisille (37) ont mis fin à leurs jours, l’un sur son lieu de travail, l’autre à proximité. Un collectif de salariés se bat pour que ces drames ne tombent pas dans l’oubli et que les raisons de ces gestes désespérés soient clairement identifiées.
« Plutôt que de vivre à genoux et humiliés, ils ont choisi de mourir debout. Ils ont mis fin à leurs jours pour dénoncer un management toxique. » Le collectif des salariés de la fondation Anaïs appelle en ces termes à une marche noire le 2 septembre à Tours. Le 13 juin 2023, Luc Montalbano s’est suicidé dans son bureau à 54 ans, après 32 années de services.
Trois ans plus tôt, son collègue, Éric Chaveneau commettait lui aussi ce geste fatal dans le bois proche du foyer. Pour les organisateurs de cette marche du deuil et de la colère, l’important est de ne pas oublier, de comprendre la mécanique du désespoir et que des mesures soient prises « pour que ça ne se reproduise plus jamais ».
Mécanique du désespoir
Spontanément constitué suite à la mort de Luc, le collectif Justice pour Luc craint pour l’avenir de la structure et des professionnels qui y exercent. « Au foyer de vie qui compte 15 places en accueil de jour et 30 en hébergement, mais aussi au foyer d’hébergement et au service d’aide à la vie sociale, pratiquement tous les titulaires sont en arrêt maladie, explique une membre du collectif, elle-même en arrêt pour état de choc post traumatique. Les services ne fonctionnent plus que grâce au renfort des CDD. »
Suite au suicide de Luc Montalbano le 13 juin, les salariés ont pris l’initiative de marquer le portail du foyer de vie où à eu lieu le drame. ©DR
Pour beaucoup de ces salariés en arrêts, le retour sur leur poste de travail suppose de départ de la directrice des trois structures et de la cheffe de service du foyer de vie où Luc s’est donné la mort. Dans des courriers adressés à l’inspection du travail et au préfet, les équipes de ces trois services expriment un profond mal-être face à un management considéré comme brutal et insécurisant.
Ils y dénoncent des entorses au droit du travail, des prises de décisions sans concertation avec l’équipe, une baisse de budget arbitraire pour les activités, une réduction du temps d’analyse de pratique, de l’autoritarisme, un manque de considération, du harcélement… Ces témoignages déplorent également des postes laissés vacants, des départs pour inaptitudes, des arrêts maladie fréquents.
Apporter la sérénité
Pendant ce temps, nommé directeur général gestion de crise le 26 juin, Patrick Soria a pour mission « d’apporter le plus possible de sérénité, de compréhension, de considération et d’accompagnement des salariés et ds personnes accompagnées ».
Pour se faire, une cellule de crise se réunit une fois par semaine pour garantir. Elle réunit neuf cadres de la Fondation Anaïs et trois élus du Comité social et économique. Chaque réunion fait l’objet d’un compte rendu envoyé à la Carsat (organisme garant de la santé au travail), à l’inspection du travail, à l’agence régional de santé et au financeur, le conseil départemental d’Indre-et-Loire (37).
« L’objet premier est de s’assurer qu’on est tous au même niveau d’information de l’ensemble des actions ou difficultés qui pourraient survenir, explique le spécialiste de la gestion de crise. Le deuxième est de réfléchir aux actions de soutien et d’accompagnement auprès des professionnels en poste et de ceux, aujourd’hui en arrêt, dans la perspective d’être en soutien ou en appuis lors de leur reprise de poste. »
Cellule de crise
Une des premières décisions a été de proposer à une centaine de salariés une prise en charge financière de leur accompagnement psychologique. Ensuite, le nombre de personnes accompagnées a été ajusté en fonction des arrêts maladie et des départs en vacances. Les résidents ont été orientés vers d’autres structures de la Fondation ou des partenaires. Cinq postes en CDI laissés vacants vont « prochainement être pourvus ». Un manager de direction a été nommé pour remplacer la directrice qui suite à son congés estival a été mis en arrêt par la médecine du travail. De retour de vacances, la cheffe de service va être secondée par une autre cadre.
Pour l’instant, aucune de ces décisions ne visent réellement à répondre aux dysfonctionnement dénoncés par les salariés. « Nous voulions réaliser une enquête administrative, un travail sur la reconstitution d’un collectif de travail, précise Patrick Soria. Nous avons fait des propositions, mais il y a déjà les enquêtes de gendarmerie, de l’inspection du travail et du CSE, il nous a été demandé de ne pas en rajouter, on s’est rangé derrière les avis de l’inspection du travail, de la Carsat et des élus du CSE. »
Après la marche noire de samedi prochain où « nous ne sommes ni invités, ni désirés » croit savoir Patrick Soria, une rencontre entre les membres du Collectif Justice pour Luc et des représentants de la Fondation Anaïs devrait avoir lieu le 14 septembre. Les veuves seront au rendez-vous.
Myriam Léon
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