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🎥 CINÉ ‱ La vie, le care et l’empathie

Un service au bord de l’asphyxie, des professionnelles sous-payĂ©es, hĂ©roĂŻques face Ă  des conditions de travail dĂ©gradĂ©es et une pression sans relĂąche : la vie des sages-femmes, comme si nous y Ă©tions.



Un tourbillon d’urgences, fait de cĂ©sariennes, d’hĂ©morragies, d’angoisses Ă  apaiser, de pĂ©ridurales, de mensurations, de monitoring, de sondes, de perfs, de ventilation
 et de grands bonheurs Ă  l’arrivĂ©e. Dans ce maelström, deux jeunes professionnelles, copines et colocs, Louise et Sofia, s’engagent Ă  fond, entre euphorie des naissances et angoisses de mal faire.

HĂŽpital malade

Ambiance de crise permanente : en sous-effectifs quasiment constants, l’hĂŽpital — public — fait ce qu’il peut. Dans le service maternitĂ©, les sages-femmes voient, impuissantes, certaines parturientes attendre quatre heures dans un couloir ; les professionnelles peuvent avoir quatre femmes Ă  gĂ©rer en mĂȘme temps, attraper une infection urinaire parce qu’elles n’ont pas le temps d’aller aux toilettes
 Dans ce contexte archi dĂ©gradĂ©, Louise et Sofia, comme leurs collĂšgues, restent bienveillantes, rassurantes.



Accoucher d’une vie

« L’événement de l’accouchement, c’est un moment archaïque, sauvage, dur » rappelle la rĂ©alisatrice qui, tout au long de son film, rend hommage Ă  la puissance des femmes, mais aussi Ă  l’impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de l’accompagnement. Dans les salles de naissance des hĂŽpitaux, des Ă©pisodes d’une intensitĂ© folle se jouent : il y est question d’intubation, d’oxygĂšne, d’IRM, de dilatation, d’hypothermie, de rupture utĂ©rine, de respiration. De vie.



Au dĂ©triment de l’humain

Sombre constat : « Toutes [les sages-femmes] m’ont racontĂ© leurs dĂ©buts dramatiques, avec des supervisions alĂ©atoires, les pĂ©ridurales qu’on pose parce qu’on n’a pas le temps d’accompagner rĂ©ellement les patientes dans leur travail, le manque de dialogue faute de temps, la sensation profonde de courir sans cesse au dĂ©triment de l’humain qui fait le cƓur de mĂ©tier », se souvient la cinĂ©aste. Elle installera sa fiction, bien troussĂ©e, dans un paysage particuliĂšrement documentĂ©.



L’imprĂ©vu

L’accouchement d’une femme sans-abri sans grand dĂ©sir pour son nouveau-nĂ© — « toi, choisis le prĂ©nom » —, qui plus est en pĂ©riode de NoĂ«l, et sa remise Ă  la rue, va profondĂ©ment bouleverser l’approche des jeunes sages-femmes. Trop, c’est trop. Elles transgresseront, prendront des risques, au nom de l’humain. Refuser certaines violences institutionnelles, comme en tĂ©moigne le hashtag #jesuismaltraitante, instituĂ© sur les rĂ©seaux sociaux par la profession il y a dĂ©jĂ  quelques annĂ©es.



Refuser le gĂąchis

Dans une manif, une sage-femme arbore, comme une Ă©vidence et un cri d’alarme, ce slogan : « le monde de demain naĂźt entre nos mains »â€Š D’autres ont imprimĂ© « Ras le col ! » ou d’autres slogans inventifs sur leur blouse ; ensemble, devant le processus libĂ©ral favorisant le recours au privĂ© et la dĂ©gradation des services publics, elles revendiquent leurs fondamentaux : l’attention au plus faible, le soin, le respect de la dignitĂ© de l’autre, le lien.

Joël Plantet


Sages-femmes
Un film de LĂ©a Fehner. 1 h 38.
Avec Khadija KouyatĂ© (Sofia), HĂ©loĂŻse Janjaud (Louise), Myriem Akheddiou (BĂ©nĂ©dicte), Quentin Vernede (Valentin), Tarik Kariouh (Reda), Lucie Mancipoz (Charlotte)
 Prix du Jury ƒcumĂ©nique au festival de Berlin 2022. En salles le 30 aoĂ»t.
Photographies : © Geko_Films


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