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■ ACTU-Une association d’accompagnement de femmes dans la tourmente
En grandes difficultés financières, l’association « Du côté des femmes » s’est trouvée en incapacité de verser les salaires du mois de janvier, à Cergy et à Sarcelles. Des salarié.es dénoncent une mauvaise gestion et un manque de communication.
« Un état de sidération » : c’est ainsi que Camille* décrit la réaction des salarié.es de l’association « Du côté des femmes » à l’annonce de la décision de leur direction. Faisant face à de graves difficultés financières, l’association a déclaré être dans l’incapacité de verser les salaires du mois de janvier. Annoncée, selon les salarié.es, deux jours avant la date de versement prévue, la décision a choqué : « On est censé faire comment pour payer notre loyer ? » , s’insurge Annabelle*.
Si la direction avance des difficultés liées au manque de subventions, la pilule a du mal à passer chez plusieurs salarié.es : « Cette explication n’est pas suffisante. Il y a aussi une mauvaise gestion de la part de l’employeur », signale Camille. L’association accompagne des centaines de femmes victimes de violences et leurs enfants, via des places d’hébergement et des lieux d’écoute. Environ soixante-dix salariés sont concernés par le report du versement des salaires.
Fautes de gestion
Camille et Annabelle pointent tout(e)s deux leur surprise : comment une association gérant un budget si important n’a pas vu venir les difficultés financières au point de prendre la décision de ne pas verser les salaires à 48h du jour J ? « Quand on gère un tel budget, on prend des mesures avant d’arriver dans cette situation, avance Annabelle. Les difficultés ne sont pas arrivées du jour au lendemain. Non, il y a des décisions qui ont été prises et qui n’étaient pas les bonnes. »
Du côté de la direction, le trésorier faisant office de représentant de l’association en période de vacance de la présidence, André Martin reconnaît « des erreurs de gestion », notamment dues à « un lancement de dispositif probablement de manière imprudente », alors que celui-ci n’avait pas encore totalement trouvé ses financement.
Manque de transparence ?
Annabelle et Camille regrettent également le manque de transparence de la direction, évoquant des « rumeurs » préalables à cette annonce sans message clair. André Martin reconnaît que la direction aurait pu mieux communiquer. Il assure cependant que « le CSE avait été alerté le 12 janvier [deux semaines avant la date de versement des salaires, ndlr] que nous ne serions pas en mesure de payer les salaires », information confirmée à l’ensemble des salariés le 24, seulement deux jours avant la paie prévue le 26. Destiné aux salarié.es, un courrier daté du 12 décembre 2022 pointait également les difficultés financières, sans évoquer la suspension des salaires.
Acompte sur subvention
Le 31 janvier, suite à une réunion en urgence avec les financeurs, la Direction départementale de l’emploi, du travail et de la solidarité du Val d’Oise a annoncé un acompte sur les subventions pour assurer le versement des salaires. La date reste à ce jour inconnue mais, suite à cette décision, la direction avance un règlement dans les « dix à quinze jours ».
Accompagnement altéré
Hormis une situation très embarrassante pour les salarié.es, Camille pointe les conséquences, par ricochet, sur l’accompagnement : « très concrètement, si une femme a un meuble cassé dans sa chambre, par exemple, on ne peut pas le remplacer. Certain(e)s collègues optent pour le télétravail pour ne pas dépenser trop d’argent en carburant. Donc on accompagne les femmes par téléphone au lieu de se déplacer, ce qui forcément altère la qualité de notre accompagnement. » Annabelle est d’autant plus en colère qu’elle a « l’impression qu’on essaie de jouer sur notre fibre militante et l’engagement qu’on a dans l’association et je ne trouve pas ça normal. On ne paie pas notre loyer avec notre engagement ».
De son côté, si elle salue l’investissement des salarié.es dans leur mission, la direction assure les laisser « libres de leurs actions, on ne leur demande pas d’efforts supplémentaires » en cette période critique. Reste que si la question des salaires devrait être réglée dans les prochains jours, l’avenir de l’association demeure très incertain. Une demande de redressement judiciaire pourrait être envisagée.
Rozenn Le Berre
*les prénoms ont été modifiés
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