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Louis est plus que surpris lorsqu’il ouvre le cadeau déposé à son intention auprès du sapin. L’emballage retiré, il tombe nez-à-nez sur une belle et grosse crotte. Certes, elle est en plastique mais le petit garçon de cinq ans a bien du mal à comprendre. Son grand-père ricane sous cape et sa mère le regarde d’un œil noir et sévère bien que teinté d’une pointe de regret et d’amertume. L’idée n’est pas d’elle mais de son père, le fameux grand-père. Ancien policier à la retraite, le patriarche a l’habitude d’être écouté et obéi. Il fait partie de ceux qui confondent « être au service de la loi » avec « se servir de la loi ». La loi, c’est lui et encore plus lorsqu’il s’agit de ce qui se passe sous son toit.
Depuis sa séparation, madame Soury est revenue vivre chez ses parents avec ses deux filles et le petit Louis. Le grand-père maudit son ex-gendre, cet ingrat qu’il a toujours reçu à bras ouverts et dans cet esprit il appartient à Louis de choisir son camp. Dès lors, le petit garçon demeure dans une impasse. Incapable de rejeter son père, il lui est impossible de satisfaire son grand-père, ce père de la horde qui règne en maître, et se retrouve donc pour Noël à bouffer de la merde.
François Durand, éducateur spécialisé de son état, est lui aussi plus que surpris lorsque la mère lui relate l’évènement. Sous le coup d’une mesure d’AEMO du fait d’une séparation des plus conflictuelle, la mère n’a de cesse de s’exaspérer de l’attitude de ses enfants qui même si elle ne l’énonce pas, ne manifestent pas assez leur compréhension vis-à-vis de sa douleur. Et comme Louis n’est pas gentil, il mérite bien cet étron. L’éducateur en ressent une légère nausée.
Quinze ans plus tôt, un autre enfant est également surpris par la teneur de son cadeau de Noël.
Rémi, lui, a treize ans. Il n’est pas en famille mais en « home d’enfants », placé sur décision du juge car, chez lui, la situation est des plus délicate. Aux dires des éducateurs, ces derniers temps, Rémi est insupportable. Il sèche les cours à tire-larigot, effectue des petites fugues de temps en temps, refuse de prendre sa douche, de faire ses devoirs, de se coucher, lâche quelques insultes au passage et, de plus, il perd régulièrement sa carte de bus. Les zéducs en ont un peu marre de ce trublion qui « leur fait la misère au quotidien ». Cependant, ils tiennent leur vengeance. Rémi, vient de se faire verbaliser par les contrôleurs. À l’approche des fêtes, les zéducs savourent. En réunion d’équipe, ils ont une idée lumineuse.
Devant le sapin, Rémi tient son paquet cadeau. Il l’ouvre. À l’intérieur, un autre paquet plus petit. Les zéducs regardent du coin de l’œil. Dans le paquet, une enveloppe. Complices, les zéducs sourient. L’enveloppe déchirée, Rémi comprend la supercherie. Il est déconfit. Ses yeux se remplissent d’un léger voile humide. Dans ses mains, le PV.
François Durand se rappelle très bien cet instant. Il était présent. Avec les autres zéducs, il riait.
Face à la mère, il réalise. Certes, ce n’était pas une crotte en plastique, mais au bout du compte, l’intention puait tout autant.