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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Il suffit de trois fois rien

Ça crie, ça rit et ça brasse dans le car ; y’a plein d’enfants joyeux. Élias, assis au fond, observe les grands, puis les petits et son regard s’évade à travers la vitre, loin. C’est sa toute première fois, sans maman, sans ses frères, sans ses sœurs, et puis sans papa ; mais ça, il y a des lustres qu’il ne lui manque plus. Le méchant homme a disparu après avoir bastonné sa mère, la laissant sur le carreau. Dès qu’elle s’est relevée, elle s’est sauvée avec ses trois marmots et en a fait quatre autres, avec un plus gentil. Sa mère n’est plus battue, mais les vacances, faut pas y compter. Pour l’heure, il s’est installé côté fenêtre et il en prend plein les mirettes. Ils descendent dans la Drôme faire du vélo avec la classe d’à côté. Bon, lui, il ne tient pas sur un vélo, mais il sera dans une remorque tirée par son éduc. Il a les mots qui hésitent aussi, mais ses émotions se glissent dans ses yeux, au bord des lèvres ou dans ses bras qui s’agitent, dès qu’elles se perdent en chemin ou débordent. Quand le car se gare, les autres enfants se précipitent vers la sortie, c’est l’heure du pique-nique. Élias se lève tranquillement de son siège, rejoint son éduc dans le couloir et lui attrape la main pour descendre les marches et rejoindre la troupe excitée. Des instits et des accompagnateurs ont rapatrié les vélos en Trafic, la veille, et les attendent dans la forêt, près du lac de Le Claps. Élias n’a jamais rien vu d’aussi beau, il sort rarement de chez lui. Il ôte ses chaussures et marche doucement vers l’eau, pendant que les autres se précipitent sur les sandwiches et les boissons. L’éduc ne le quitte pas des yeux, il le voit regarder, lever le nez au ciel puis s’accroupir sur la berge, choisir quelques cailloux et les jeter au loin. Élias sourit – ce qui n’arrive jamais –, et l’éduc s’approche doucement pour ne pas gâcher cet instant magique. Il a pris soin de prendre leurs deux repas. Il enlève ses chaussures, lui aussi, et s’assied, à l’écart. L’enfant se retourne, sourit, lui fait signe de venir et les voilà tous les deux, les pieds dans l’eau. Quelqu’un fait une photo des deux loustics. Quelle belle idée d’immortaliser l’instant de la découverte ! Élias croque dans son casse-croûte, penche sa tête sur l’épaule de son « repère », la relève, montre le pic de Luc avec un doigt, agite ses bras soudain et sa tomate débaroule sur la plage. Son corps se fige un instant – le temps de vérifier qu’aucune foudre ne va s’abattre sur lui –, car il pense avoir fait une bêtise. Il croise le sourire rassurant de cet adulte qui ne s’énerve jamais et sent comme une douce chaleur traverser son corps. Il entend : « quelle bonne idée de laver cette tomate, je vais en faire autant ! » Et leurs éclats de rire traversent le bois jusqu’aux copains qui, curieux, arrivent en trombe. Adieu le calme. Comme il est l’heure d’enfourcher les vélos, tout le beau monde se regroupe en cercle pour écouter les consignes. Élias saute dans la remorque équipée d’un pédalier. Ses pieds s’activent et il se goinfre de sensations : il entend le « tek » du Pic épeiche, observe la lumière qui scintille à travers les feuilles, ressent la douceur du vent dans ses cheveux, découvre l’odeur de l’humus et goûte au sel de sa sueur qui dégouline le long de ses joues.