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► LE BILLET de Ludwig • Kabuli

Il nous arrivait au CADA, à l’époque où nous avions encore un peu de sous, d’organiser des ateliers cuisine avec les résidents. Parce que la bouffe, c’est la rencontre, le partage, l’échange, le métissage du lien. C’est le mélange des épices, des ingrédients et des cultures. C’est la tambouille avec les moyens du bord, mais qu’importe le contenu, pourvu que l’on ait l’ivresse, dit le dicton !
Ce midi, c’était Kabuli, plat national afghan. C’est Monsieur Z. qui a voulu nous introduire à son pays. Son pays qu’il n’a pas vu depuis cinq années. Cinq longues années sans voir sa femme et ses enfants non plus. Alors, peut-être que partager ce moment d’intimité autour de la cuisine l’aura un peu rapproché d’eux. En tout cas, cela nous a fait nous rencontrer, dans l’authenticité. Parce qu’il s’en joue des choses autour de l’alimentation !
Rôle nourricier de maintien de vie, marque d’affection, l’alimentation contribue au maintien de la forme et de la santé. Si l’alimentation peut jouer un rôle hédoniste, elle n’en demeure pas moins facteur d’identification. Dans le monde, chaque personne se construit sa propre histoire alimentaire. Certes, le patrimoine biologique va influencer sur les besoins nutritionnels, les aptitudes sensorielles, les comportements. Chacun aura sa propre perception des odeurs et des saveurs. De même, le patrimoine culturel est tout autant déterminant dans la construction de la trajectoire alimentaire, et les modèles déterminent les comportements. Vous l’aurez compris, l’alimentation est un vecteur d’identité et de communication. Elle permet de marquer ses différences par l’identification ou par l’opposition au groupe. D’où l’importance de respecter les différents schémas alimentaires et les choix qui en découlent tout en suivant certaines recommandations nutritionnelles, bien évidemment.
Ce midi, ça sentait bon dans la cuisine. Nous épluchions et coupions les carottes et les oignons en fines lamelles, avant de les faire dorer à la poêle, et d’y jeter les raisins pour les faire gonfler. Le poulet, coupé en morceaux, rejoignait la douce musique du crépitement saupoudré d’épices colorées. Ail, oignon, cannelle, cardamome, cumin, et pincées secrètes, tous unis dans un métissage de couleurs et d’odeurs. L’eau et le riz ajoutés, il ne nous restait plus qu’à écouter monsieur Z. nous conter son pays, assis en cercle sur le dastarkhan, tapis traditionnel.

Aujourd’hui encore, quand il m’arrive de repenser à Monsieur Z, je n’ai plus qu’à fermer les yeux pour ressentir cette explosion culinaire, ce Kabuli (1) et sa palette de couleurs, ce feu d’artifice d’odeurs et de saveurs, qui vous emporte loin, très loin, là-bas, vers les montagnes d’Afghanistan.

(1) https://recette-cuisine-du-monde.fr/recette-poulet-afghan.html


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