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► LE BILLET de Ludwig • Les casquettes rouges
C’est fou ce qu’on les reconnait de loin. En vacances, on a beau tenter d’oublier le boulot, ce dernier se rappelle toujours à nous. Ne serait-ce qu’en croisant un groupe de jeune et son éduc (savoir faire la différence entre une colo et une MECS) ou bien un groupe d’handicapés-pardon, de personnes en situation de handicap.
Alors, c’est peut-être par déformation professionnelle que l’on y prête plus attention, mais ce jour-là, je n’aurais en aucune façon pu les manquer. Déambulant cet été au sein d’une cité templière, me voilà tombant nez à nez au magasin de souvenirs avec un groupe donc, de personnes en situation de handicap, tout vêtu de rouge ! J’ai d’abord cru à un coup de chaud ou une hallucination, mais non. T-shirt rouge, casquettes rouges à leur nom ! Mon sang n’a fait qu’un tour. Quelle stigmatisation ! Déjà qu’on les reconnait bien d’habitude, pas besoin de les étiqueter de la sorte ! Je rappelle donc, pour qui veut bien l’entendre, que la stigmatisation peut être vue comme une façon de marquer l’individu ou le groupe d’un opprobre, que les personnes stigmatisées sont condamnées socialement, vus comme étant déviants. Que la stigmatisation relève de la dévalorisation de la personne, de la discrimination d’une personne. D’ailleurs, au sens propre, "stigmatiser" signifie marquer de stigmates, c’est-à-dire imprimer sur le corps une marque indélébile en guise de châtiment. Pour Goffman le stigmate est ce qui discrédite l’identité sociale d’un individu. En effet, « tout membre d’une société est doté d’une identité. Innées ou acquises, monstruosités du corps, tares de caractère et caractéristiques tribales produiraient alors une frontière entre deux groupes, celui des stigmatisés et celui des normaux, et donneraient lieu, selon la nature du stigmate et le contexte de sa socialisation, à des itinéraires moraux distincts. »
Marqués donc de leurs casquettes rouges à leurs noms. Rouge. Couleur bien signifiante. Signe de danger, d’alerte. Attention, groupe d’adultes handicapés, ne pas s’approcher ! Ce qui est sûr, pour les accompagnateurs, est qu’ils n’en ont pas perdu un ! Bouillonnant de colère, je n’ai pas demandé à en savoir plus, j’aurais sans doute dû, mais les vacances sont faites pour couper, non ?
Comment peut-on encore en être là aujourd’hui ? À l’heure de l’inclusion souhaitée ? C’est exactement le même sujet que nos voitures institutionnelles, floquées à l’effigie des départements, des noms des structures. La Clio bien reconnaissable des conseils départementaux. Rien de mieux pour étiqueter la famille en difficulté du quartier chez qui débarquent les travailleurs sociaux ! Ou pour trimbaler quelques jeunes en Traffic bicolore du Val-D’Oise sur la côte. J’ai toujours rêvé d’enlever ces flocages publicitaires.
Je ne suis pas une marque et les populations accompagnées ont droit comme tout un chacun à l’anonymat et à la tranquillité, sans être pointées du doigt.
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