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► LE BILLET de Ludwig • Protection sociale
J’interviens auprès des Terminales Services à la personne et aux territoires (SAPAT) au sujet de la protection sociale. De futurs soignants ou travailleurs sociaux qui n’échappent pourtant pas aux discours limites lorsque j’évoque la sécurité sociale. La quoi ? La sécu ! Sans doute la plus grande avancée sociale, née du programme du Conseil National de la Résistance, afin d’offrir à tout le monde sans distinction la possibilité de se soigner et de vivre dignement. La solidarité comme maître mot. La quoi ? « Parce que quand même monsieur, je veux bien être solidaire mais y’en a qui abusent ! Quand on voit à quoi servent les allocations de rentrée scolaire, à acheter des TV grand écran ! » Soupir. Difficile de déconstruire des préjugés déjà bien ancrés. Mais c’est aussi mon boulot. « Ok les jeunes, vous voulez que l’on en parle autrement qu’au café du commerce ou du repas chez tonton ? » Parce que la réalité est tout autre.
Vous savez qu’en 2002 (1), une étude sur les bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) montre un usage principalement axé pour les dépenses scolaires ? Bah oui, c’est une étude, c’est scientifique, cela vaut autre chose que « je connais mon voisin qui connait… ». Oui les jeunes, deux types d’achats prédominent : l’achat de matériel scolaire ou de fournitures et l’achat de vêtements pour la rentrée. J’en rajoute. Viennent ensuite dans l’ordre des dépenses les frais de cantine, de transport, de sport et loisirs. Les dépenses non liées à l’enfant sont en fait marginales. Alors, vos discours sur les abuseurs… Oui, l’ARS couvre, en moyenne, les trois quarts des dépenses occasionnées par la rentrée scolaire. Ça vous en bouche un coin, non ? Tenez, j’en rajoute encore. Une autre étude de la Caisse d’allocation familiale (CAF), en 2013 (2) souligne que l’ARS a été versée à 2 892 054 familles avec un montant intégral et confirme que les dépenses pour la rentrée augmentent avec le nombre d’enfants et leur niveau d’études. Les fournitures scolaires et les vêtements sont les deux postes essentiels de dépenses de la rentrée et sont également la principale utilisation de l’ARS. Silence dans la classe. Regards ouverts sur la question ou mine renfrognée du genre « il raconte n’importe quoi le prof, moi je connais une copine de ma mère qui… »
J’enfonce le clou, quelque peu énervé, mais déterminé. « Quant à l’idée de substituer le versement d’une aide en bon d’achat, elle est largement soutenue par les non-bénéficiaires proches du seuil d’éligibilité, mais est en revanche massivement rejetée par plus d’un bénéficiaire sur deux, en particulier par les familles les plus modestes. »
Coupant court à tout débat nauséabond, j’assène que je préfère que mes impôts ou ma CSG servent à la solidarité nationale avec les plus fragilisés plutôt qu’à financer des armes, que « ta maman puisse se faire soigner correctement », ou que « si tu as un accident du travail, tu puisses être couverte face aux risques sociaux ». La sonnerie retentit. Je suis un jardinier. Je plante des graines.
(1) https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/PSF/075/RP75-A-CRastier.pdf (2) https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/essentiel/147%20-%20ESSENTIEL%20-%20Usages%20ARS.pdf