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C’est quand même étrange ces métiers du social où les professionnels concourent à leur propre disparition. En effet, les objectifs de résolution des problématiques visent forcément un idéal où plus personne n’aurait besoin d’aide et où les travailleurs sociaux seraient donc obsolètes.
Tu y crois toi à cette supercherie ? Être payé à participer à sa propre disparition ? Quels autres métiers embrassent ce paradigme ?
Imagine les industriels du secteur automobile qui inventeraient des pneus increvables ou un moteur à énergie autonome ? Cette évolution technologique causerait assurément la perte du métier de pompiste ou la liquidation de Michelin.
Imagine un chercheur qui trouverait ! De fait il ne chercherait plus, si ce n’est un emploi. Et c’est toute la science qui perdrait de l’intérêt.
Imagine la fermeture des SAV si les fabricants d’électroménager arrêtaient de construire leurs machines sans obsolescence programmée !
Imagine un fastfood qui te nourrirait à ta faim sur des sièges confortables et qui ne chercherait pas à te faire surconsommer pour te rassasier !
Imagine des livreurs qui trouveraient ton adresse du premier coup et qui ne pourraient plus justifier de courses inutiles !
Imagine des maladies qui se soignent vraiment, des élèves qui réussissent tous, des trains qui arrivent à l’heure, des élus reconnus universellement, des boulangers qui donnent leurs recettes, des militaires sans armes… Quel triste monde que celui de projets aux destinées tracées !
Mais ne t’inquiète pas pour ton avenir professionnel. Nos institutions éducatives et nos pouvoirs publics ont bien compris qu’il fallait entretenir ces « marchés » de l’économie sociale. Tout est calculé pour entretenir le business. Quand on voit le zèle de certains dirigeants à assurer la prospérité de leurs activités, je peux te dire qu’on est loin d’un objectif de résolution des problématiques. La survie des dispositifs leur importe bien plus que l’intérêt des « usagers », à tel point que l’avenir du travail social semble prospère, quand bien même on mette en scène une crise du recrutement.
Je soupçonne même certains d’organiser les déséquilibres et les couacs internes, un peu comme l’obsolescence programmée vise à garantir la survie d’un service après-vente. Si jamais les équipes travaillaient trop bien, elles participeraient à la propre déliquescence du système. C’est un peu comme si les salariés de MacDo se mettaient à faire de la bonne bouffe et à soigner l’ergonomie de leurs restaurants. N’importe quoi. Ils seraient virés sur le champ.
La conscience professionnelle de nombreux travailleurs sociaux les honore mais peut déranger. Dès lors, deux options se présentent pour eux : participer tant bien que mal aux stratégies du système en place ou risquer la sortie de route. Si certains (de plus en plus nombreux) se lancent dans l’aventure libérale, c’est sans doute qu’ils ne se retrouvent plus dans nos modèles institutionnels.
Non il n’existe pas de crise du recrutement ! Les travailleurs sociaux sont là, nombreux et déterminés. Il n’existe qu’une crise du rapport aux organisations dans lesquelles nombreux ne se reconnaissent plus.