L’ActualitĂ© de Lien Social RSS


📝 Tranche d’éduc’ ‱ Grandir jusqu’à oĂč ?

Elle a quatre ans.
Il y a six mois de ça, elle ne parlait pas encore, elle n’était pas propre, elle ne savait pas s’habiller seule, elle avait besoin d’ĂȘtre portĂ©e dans les bras constamment. Elle passait ses journĂ©es avec une sucette Ă  la bouche.
Aujourd’hui, elle grandit.
Elle s’autorise enfin à grandir.
Elle explore le monde, son environnement et son entourage. Elle vogue de piĂšce en piĂšce, Ă  la dĂ©couverte de trĂ©sors qu’elle cherche sans cesse. Elle s’émerveille devant un caillou posĂ© sur son chemin, elle sourit Ă  la vue des fleurs, elle s’exclame quand elle voit la lune, elle parle Ă  tout va et commence Ă  exprimer ses Ă©motions. Son plaisir quotidien, qu’elle attend avec impatience, se passe au moment du dĂźner. Assise sur sa chaise, elle demande le silence et pose Ă  tous cette question essentielle : « c’est quoi le meilleur moment de ta journĂ©e ?  ». Elle a besoin d’entendre de tous de belles histoires, et se dĂ©lecte Ă  raconter sa propre journĂ©e pour finir sur une affirmation rĂ©currente : «  moi, mon meilleur moment c’est maintenant, quand je mange avec vous tous et qu’aprĂšs je vais faire dodo  ».
Son histoire est douloureuse. Sa maman lui manque, elle ne peut plus la voir. Ça aussi, elle l’exprime maintenant. Alors, elle lui fait des dessins, des tas de dessins. Et elle pleure, beaucoup. Puis elle se rĂ©fugie dans des cĂąlins incessants avant de courir vers ses jeux, qu’elle investit avec entrain.
Elle a des frĂšres et sƓurs qu’elle aime taquiner, qu’elle adore mener Ă  la baguette, qui accourent quand elle pleurniche, qui l’inondent de bisous et s’amusent Ă  lui faire des blagues dans lesquelles elle se perd. Mais ils voient, ils comprennent bien que cette petite fille jusqu’alors considĂ©rĂ©e comme un bĂ©bĂ© grandit. Ils questionnent ça. « Mais si ce n’est plus un bĂ©bĂ©, elle est quoi maintenant ? Et qu’est-ce qu’elle va faire aprĂšs ? Est-ce qu’on pourra toujours la porter ? Est-ce qu’elle pourra jouer aux mĂȘmes jeux de grands que nous ?  ». Ils sont pourtant trois grands et deux jeunes adultes, ils savent ce que c’est que grandir, ils ont tous Ă©tĂ© le bĂ©bĂ© de la fratrie, ils ont tous eu cette place de petit. Mais ils savent qu’elle sera la derniĂšre et pensent maintenant que c’est Ă  eux de faire des bĂ©bĂ©s.
La grande sƓur de huit ans insiste. «  Ne vous inquiĂ©tez pas, je vais faire un bĂ©bĂ© moi maintenant comme ça elle, elle pourra grandir tranquillement.  »
Quand la fratrie autorise l’ensemble à grandir,
Quand les places se redĂ©finissent en l’instant,
Quand les questions trouvent des réponses en interne,
Quand la rĂ©alitĂ© se confronte Ă  l’enfance,
Grandir est la premiùre acceptation de sa vie d’aprùs.
Petite fille de quatre ans deviendra grande.
Elle se rend compte qu’un instant ne dĂ©finit pas une vie, mais qu’un moment peut Ă©crire la suite.
Petite fille de quatre ans devient grande.
«  Je grandis dans le lit, quand je mange un yaourt, quand je suis Ă  l’école, quand je fais pipi, quand je ramasse des fleurs, quand je boude plus, quand je fais du vĂ©lo, quand je mets mon manteau toute seule, en fait je grandis tout le temps pas vrai ? Et je vais grandir jusqu’à oĂč ? Jusqu’à ce que je suis grande et que moi aussi je suis Ă©ducatrice ? »