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► LE BILLET de de La Plume Noire • L’inconscient n’existe pas
Tonton Luigi a violé la mère de François Durand, éducateur spécialisé de son état. Au moment des viols, François Durand n’était pas encore éducateur spécialisé. Il n’était même pas né. Quand Tonton Luigi venait rejoindre sa nièce dans sa chambre, elle avait à peine douze ans. François, lui, est né cinq ans plus tard. Sa mère, Marie-Laure n’avait pas encore atteint ses dix-huit ans et son père, Albert, venait de fêter son vingtième anniversaire. Albert, lui aussi, fuyait un environnement familial sclérosé. À dix-sept ans, il dormait encore avec sa sœur de onze ans son aînée et l’histoire familiale ayant tendance à se répéter, à vingt-deux ans, c’est dans le lit de sa mère que se trouvait encore François Durand.
Ainsi, l’acte de Tonton Luigi a, par éclaboussures, imprimé durablement et de manière indélébile son empreinte au sein de la famille de l’éducateur.
Pour autant, Marie-Laure n’a jamais évoqué l’acte de son oncle. Elle l’a tenu au silence toute sa vie et pour se préserver elle a également enfermé son fils dans le même silence, dû-t-elle pour cela utiliser la violence. La peur que son fils puisse lui aussi être victime pénétrait Marie-Laure par tous les pores de la peau et elle a toujours eu tendance à le secouer quand celui-ci ne se montrait pas suffisamment fort. Si elle éprouvait le sentiment que quelqu’un se jouait de lui, elle le lui faisait savoir. Cela se passait dans des regards, des exaspérations manifestées par de légers soufflements, des agacements tout juste perceptibles, mais aussi des coups d’une rare violence assénés à grands renforts de paroles assassines. Cette attitude maternelle a très rapidement placé François Durand dans une difficulté à être ce qui ne faisait qu’accentuer le désespoir de sa mère. Elle voulait tellement qu’il ouvre les yeux, qu’il soit méfiant qu’elle ne savait que lui renvoyer qu’il n’était qu’un pauvre naïf trop faible toujours prêt à sa faire duper par plus malin que lui. François Durand, lui, ne cherchait qu’à être lui-même et non pas être la revanche de sa mère, il ne s’exécutait pas et ainsi ne la satisfaisait pas. Pour elle, il n’était alors rien d’autre qu’un enfant à l’esprit de contradiction, ce qui justifiait à ses yeux qu’elle puisse, en toute impunité, le couvrir de coups et, s’il lui prenait l’envie de s’en plaindre, elle lui ordonnait de se taire. Pour autant, quand venait la nuit, l’ombre de Tonton Luigi refaisait surface et, pour se protéger, Marie-Laure mettait son fils dans son lit.
À 27 ans, François Durand est entré en formation d’éducateur spécialisé. Rien de ce qu’il avait vécu jusqu’à présent ne semblait l’avoir atteint. Cela ne dura pas. Très rapidement, dans ce centre de formation à l’approche psychanalytique affichée et assumée, le jeune étudiant fût quelque peu dérangé et passionné par des cours qui lui apparurent comme intimement destinés. Tout ce qu’il entendait, rencontrait, étudiait, semblait lui dire, sans qu’il le réalise vraiment, qu’il n’avait pas choisi cette profession au hasard.
La formation terminée, c’est porté par une force mystérieuse que le jeune diplômé s’est tout naturellement dirigé vers la protection de l’enfance. Vingt ans à naviguer au milieu d’histoires familiales empreintes de désordres, de malaises, de souffrances, de violences, de chaos, d’incestes, d’enfances mises au silence, pour finalement apprendre un jour que sa mère fût violée par son oncle quand elle avait douze ans.
À part ça, l’inconscient n’existe pas.