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✖ TRIBUNE - Espoirs, egos et amnésies de la protection de l’enfance
Par Maximilien Bachelart, Fondateur de l’Institut du Comment institutducomment@gmail.com
La proposition de loi pour la création d’une délégation aux droits de l’enfant a été rejetée ce 8 décembre 2022. C’est la deuxième fois en trois ans que le Sénat examine cette question. Dans la foulée, le groupement d’intérêt public (GIP) « France Enfance Protégée » sera opérationnel le 1er janvier 2023.
Passer d’une annonce affligeante à une autre pleine d’espoirs est devenu le pas de danse central de la chorégraphie de notre pays. Le rythme est endiablé à la fois par sa rapidité mais aussi par ses intentions.
L’intelligence n’est plus dans la formulation d’idées grandioses. Ces dernières existent déjà, des centaines de conférences et de débats ont eu lieu. Pratiquement tout a été dit, écrit et sermonné sous les applaudissements. Les diagnostics multiples de la protection de l’enfance sont connus des professionnels, mais c’est un mécanisme habituel au sein même de ce champ que la responsabilité ne soit pas prise mais proposée à un autre dans une grande farandole de procrastination permettant de la diluer l’air de rien. Laissons la tournée des milliers d’associations s’effectuer et promesses au micro s’accumuler en attente d’être sauvé.
Les professionnels ne sont soit pas entendus, soit invités à s’installer dans un décor qui leur a été aménagé par les politiques. Mon appel vers ces décideurs est simple : mobilisez des professionnels de terrain en amont si votre intention est sincère.
L’intelligence collective, si tant est qu’elle existe, est plutôt dans la mise en commun et la mise en action. Faire « plus de la même chose » est une fuite en avant qui alimente le désespoir qu’elle est censée fuir. Des associations il en existe pléthores, des groupements politiques, associatifs et de professionnels également. Nous connaissons aussi les enjeux d’égo qui poussent certains à créer la même boutique que le voisin. Tandis que certaines mesures simples sont attendues depuis des décennies et appuyées par des recommandations de professionnels de terrain, les promesses fleurissent. L’avenir devra être à une (meilleure) évaluation de la pertinence et de l’efficacité des politiques publiques.
Les professionnels de la protection de l’enfance sont souvent peu rémunérés et entendus, imaginez bien qu’ils passent de la revendication à la participation à l’effort de guerre lorsqu’il leur est proposé de venir grossir les rangs des penseurs ! Oui, ils sont flattés, ils pensent que le jour de gloire est arrivé. Vanité ou orgueil ? Le constat est dur, mais sans prise en compte de l’histoire et des multiples boucles précédentes, le pragmatisme affiché ne devient que le bras armé d’un autre dont nous ne serions que les pantins. La protection de l’enfance est victime d’elle-même et va devoir prendre conscience qu’elle effectue la même représentation chaque année.
L’amnésie est aussi puissante que l’espoir. Le professionnel pense qu’ « enfin les choses vont changer ». Le décor lui est planté, comme une organisation qui saurait faire son propre diagnostic, le politique saurait mieux que le professionnel qui réunir, comment et pourquoi… Le professionnel est invité à venir, si ce n’est lui-même qu’il le réclame à cor et à cris, et ne réalise pas encore que ceci ne mène à rien. Il est passé de la lutte à la coopération, il s’invente une histoire pour s’engager. Une vraie comédie humaine, en quête de reconnaissance et d’amour, le politique et le professionnel s’engagent alors dans le grand théâtre de la névrose.
L’impression de pas avoir été dans la passivité est prenante, dans une sorte de liesse populaire nous repoussons une réalité qui nous est insupportable en gesticulant. J’interroge l’arnaqué et je lui demande comment se fait-il qu’il n’a rien vu, a voulu croire et comment il fera par la suite.
Pour rappel en 2022 :
Aucune centralisation nationale d’informations cruciales concernant les enfants, les familles, les professionnels ou les assistants familiaux ;
L’autorité parentale pour les parents coupables d’inceste interroge ;
Un médecin peut être poursuivi pour avoir formulé une Information Préoccupante.
À lire : « Le western de la protection de l’enfance » Matière à pensées n°1328