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■ ACTU - Détenus dits "radicalisés" • La CGLPL critique leur prise en charge

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté critique, dans un nouveau rapport rendu public ce mercredi 10 juin, la prise en charge des personnes dites radicalisées, poursuivies ou condamnés pour terrorisme dans les prisons. Deux premiers rapports en 2015 et 2016 jugeaient sévèrement la politique de regroupement des personnes puis celle de l’ouverture d’unités dédiées.

Depuis 2018, une nouvelle politique prévoit le développement des capacités d’évaluation des détenus dits radicalisés dans des quartiers dédiés (QER), la mise en place de quartiers de prise en charge des personnes radicalisées (QPR), le développement de programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV) dans tous les 79 établissements susceptibles d’accueillir des personnes poursuivies pour terrorisme.

Au cours de la même année, cinq QER ont ouvert notamment à Fresnes, Fleury-Merogis, Osny, chacun dotés de 12 places. Les quelques programmes de prévention de la radicalisation, menés par un binôme éducateur spécialisé - psychologue rattaché au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) « peinent à atteindre son public », souligne le rapport.

Critères opaques

La CGLPL pointe l’absence de toute garantie procédurale dans le processus de repérage et la création d’une catégorie spécifique selon des critères opaques. Dans un des centres visités, le personnel devait remplir des fiches de repérage signalant « un comportement prosélyte, le refus de s’adresser à un personnel féminin, les commentaires tenus sur les attentats, les liens noués en détention avec d’autres personnes suivies, les signes ostentatoires de radicalisation, la violence ».

Une fois inscrit dans ces listes, il devient impossible d’en sortir. « Les critères présidant à l’intégration de personnes détenues au sein de la catégorie des « personnes radicalisées » sont opaques et discriminants, laissés à l’appréciation de chaque établissement, voire de chaque agent », note le rapport.
Par ailleurs, les détenus de droit commun repérés comme susceptible de radicalisation n’en sont pas informés et n’ont aucune possibilité de recours. Or, le fait d’être classé dans ces différentes catégories entraîne des prises en charge différenciées. « Surveillance accrue ; accès fréquemment impossible au travail, à l’enseignement, à la formation professionnelle, aux unités de vie familiales ; contrôle accru des communications et des correspondances ; mise en œuvre de régimes de fouille exorbitants pour la plupart ; présence quasi-systématique du personnel de surveillance pendant les soins, etc. », liste la Contrôleure.

Professionnels embarqués

Elle s’intéresse également aux professionnels qui ont la charge de ces personnes, conseillers d’insertion et de probation, psychologues chargés de l’évaluation des personnes détenues, indiquant que ces professionnels se posent des questions déontologiques et éthiques. « Il n’est pas admissible que certains professionnels camouflent les objectifs de leurs entretiens avec les personnes », souligne-t-elle, rappelant que cette attitude « doit être rigoureusement interdite et des consignes strictes transmises ».

Enfin, le rôle du renseignement pénitentiaire doit être, selon elle, clarifié : « les professionnels partagent devant les agents du renseignement des informations sans avoir la moindre idée de l’usage qui peut en être fait, ce qui les place régulièrement en porte à faux par rapport à la déontologie de leurs professions respectives ».

Selon le rapport de la CGLPL, au 30 décembre 2019, 525 personnes étaient incarcérées pour des faits en lien avec le terrorisme islamiste et 904 personnes poursuivies ou condamnées pour des faits de droit commun étaient suivies par l’administration pénitentiaire car considérées comme « radicalisées ».