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Lassée et inquiète de constater le sexisme ordinaire dans le travail social, une éducatrice spécialisée a créé un compte Instagram pour collecter des témoignages professionnel (le)s et de personnes évoluant dans des structures sociales.

Les témoignages affluent sur le compte Instagram #Travail Social Sexiste, créé par une éducatrice spécialisée. Motivée par sa propre expérience, elle y invite tous les travailleurs sociaux à relater les comportements ou remarques sexistes dont ils ont été témoins ou victimes dans le cadre de leur travail. Son but ? « Montrer que ce ne sont pas des cas isolés » et que ce sexisme ordinaire est « d’autant plus choquant chez des professionnels dont le rôle est d’aider à l’émancipation », souligne la créatrice du compte, restée anonyme.

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De plus en plus, le féminisme s’affiche pour rendre visible le sexisme ordinaire et le combattre.©Myriam Léon

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En effet, l’accumulation et la redondance des témoignages s’avèrent accablantes. Des réflexions sur la tenue vestimentaire ou les règles : « Je suis éducatrice spécialisée, j’arrive en réunion en robe d’été. Tenue que je porte peu dans mon travail. Mes collègues et moi nous installons autour de la table de réunion, mon chef de service me dit avec un ton visiblement amusé : "Tu as mis une robe ! C’est pour faire plaisir à tes collègues ?!" Je n’ai pas su quoi répondre. Choquée. »

À moi de gérer ça

Des clichés lourds sur la répartition homme/femme des rôles : « Je suis éducatrice spécialisée en foyer avec des enfants placés. Un conflit éclate entre deux ados. Ils en viennent bientôt aux mains, je me lance pour intervenir, sereinement. Mon collègue me passe devant en disant "c’est à moi de gérer ça". Résultat : il a pris des coups de poings dans la tête et j’ai dû gérer : l’appel des urgences, les deux ados surexcités et le groupe de vingt autres ados. »

Des questions discriminatoires à l’embauche : « Lors d’un entretien pour un poste d’assistante sociale, ayant un candidat homme également intéressé par le poste, le recruteur me dit "Vous savez que si on vous recrute plutôt que Monsieur, c’est vraiment un pari au vu de votre âge ?". Face à mon regard interloqué, il ajoute "Bah oui on sait pas combien de congés parentaux vous allez enquiller dans les années à venir !" »

Recueilli en à peine un mois, les 38 publications démontrent la nécessité d’aborder le sujet en équipe pour sortir de la banalisation du sexisme. « Quand je travaillais auprès d’adolescents, à un moment, j’étais en train de faire à manger et un collègue homme me lance : "Ah ben c’est bien, chacun sa place ! Ben, oui : les femmes à la cuisine et les hommes au travail !" Cela m’a laissé sans voix… En plus, il y avait des jeunes qui étaient présentes ! Bonjour l’exemple ! », rapporte-t-elle à France 3 Bretagne.

Déni des questions de genre dans le social

L’éducatrice lanceuse d’alerte est convaincue que ces remarques insidieuses influencent les jeunes. « Peut-être pensent-ils que c’est la norme, ils peuvent l’intégrer et le reproduire un jour peut-être... Cela impacte la façon dont ils se construisent », poursuit-elle. Elle regrette que la question du genre en travail social demeure un impensé du métier : « Les questions d’égalité homme-femme ne sont pas abordées ni conscientisées par les professionnels, ni par les directions d’établissements et les institutions, ni par les centres de formation ! ».

Un constat partagé par le sociologue Marc Bessin, qui a étudié les enjeux de la sexuation dans le travail social et observe « un déni sur la question du genre en travail social ». Comme si le travailleur social était par essence neutre, objectif, et non discriminant. La question du genre doit être traitée d’urgence dans les formations des travailleurs sociaux, estime l’éducatrice, « pour éviter de perpétuer tout ça, de participer à certaines oppressions sans le vouloir ». En attendant, chacun peut ajouter son témoignage au compte Instagram, qui compte déjà plus de 1200 abonnés.

Mariette Kammerer

A lire dans Lien Social n°1313 : Stéréotypes • De l’intérêt du féminisme dans le travail social

Pour témoigner : https://www.instagram.com/travail.social.sexiste/