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■ ACTU - Personnes sans-papiers : sans droits ni toit

Le 9 décembre, la Fondation Abbé Pierre a présenté la première étude consacrée au mal logement des personnes étrangères dites en situation irrégulière. Sans surprise, la précarité administrative freine l’accès au logement et à la régularisation.

« J’ai vécu sept ans sans-papiers. Vous imaginez attendre le droit de vivre pendant sept ans ? C’est vraiment long, tu ne peux pas te projeter, pas avoir une vie de famille, pas avoir un logement à toi », témoigne Ahmed dans cette étude (1). « Nous sommes allés à la rencontre des personnes concernées pour comprendre leur parcours de vie et leurs conditions de logement, explique Pauline Portefaix, chargée d’études à la FAP. Elles nous ont raconté le lourd parcours du combattant mené avant d’obtenir un droit au séjour, d’accéder à une vie digne et à un logement décent.  »
Depuis des années, les associations identifient l’absence de titre de séjour en règle comme un facteur de mal-logement parmi les plus difficiles à̀ surmonter. Inéligibles au logement social et aux prestations sociales, empêchées de travailler légalement, les personnes sans droit au séjour sont largement surreprésentées parmi celles sans abri, celles qui trouvent refuge dans un bidonville, un squat, un hébergement d’urgence ou qui sont victimes de marchands de sommeil. « Lena et Marc qui vivent en France depuis 20 ans, n’ont pas pu accepter le logement social qui leur était proposé en tant que prioritaires au DALO : Lena est régularisée mais Marc reste en attente de renouvellement de son titre de séjour, illustre Pauline Portefaix. Le couple continue donc à vivre dans un parking.  » Myriam, elle, habite depuis dix ans chez des amis et souffre de sa situation de dépendance. Félix, lui, dort sur un matelas dans la chambre d’un résident de foyer pour travailleurs migrants, contre 200 euros par mois. D’autres logent à l’hôtel sans bénéficier d’accompagnement social. Maya, 11 ans, a changé d’hôtel trois fois en un an. Elle met une heure pour aller à l’école et autant pour en revenir. Elle fait ses devoirs dans la seule pièce qu’elle partage avec sa famille. Elle a honte de vivre à l’hôtel. « Le choix délibéré de l’État de laisser des personnes sans droit au séjour crée du mal logement  », estime la FAP. Or la stabilité résidentielle durant le temps de la régularisation, constitue la seule façon de s’intégrer, de garder ses droits et sa dignité.



Cour intérieure du squat Rosmerta à Avignon - © collectif Rosmerta

Solutions moins coûteuses et plus humaines

Des solutions existent mais relèvent aujourd’hui davantage du bricolage des acteurs locaux et de la solidarité citoyenne que de la politique publique. La FAP propose de renforcer l’accompagnement social dans les hôtels : en Ile-de-France, Adoma par exemple, compte des équipes pluridisciplinaires et propose aux personnes qui le souhaitent un soutien psychologique. La Fondation appelle au développement de l’intermédiation locative dans le parc social qui fonctionne bien, notamment en Bretagne. Elle cite aussi l’initiative « 100 pour un » d’Emmaüs : des citoyens solidaires soutiennent des familles à la rue en mettant un logement à leur disposition ; les communautés Emmaüs permettent aux personnes de travailler pendant l’examen de leur demande de titre de séjour, leur offrant ainsi un premier pas vers l’intégration. La FAP prône aussi l’utilisation de locaux vacants, avec une convention entre les propriétaires et une association pour occuper les interstices de la ville. Elle met aussi en avant une solution née en 2013 dans l’Hérault, financée par l’État avec une partie des financements alloués à l’hébergement d’urgence, appelée Alternative Hôtel, gérée par l’association Adage. Ce dispositif qui permet aux personnes de vivre dans un appartement le temps de régulariser leur situation administrative, coûte 5000 euros / an / personne, soit beaucoup moins que les nuitées d’hôtel et s’avère très efficace : neuf personnes accompagnées sur dix sont régularisées in fine. La FAP propose aussi de changer le règlement d’accès au logement social : jusqu’en 2010, les personnes pouvaient en bénéficier si l’un des membres de la famille était régularisé. « Il faut revenir sur cette règlementation pas si ancienne », insiste Pauline Portefaix. La Fondation demande l’application de la loi sur l’hébergement inconditionnel, notamment pour les mineurs non accompagnés (MNA) souvent remis à la rue quand le département ne reconnait pas leur minorité alors qu’ils mènent un recours devant le juge des enfants pour contester cette décision ; elle appelle à faciliter toutes les démarches de régularisation, à délivrer des titres de séjour plus longs, pour offrir davantage de stabilité et éviter les ruptures de droits ; à améliorer l’accès aux préfectures en allouant plus de moyens pour réduire les délais d’attente et assurer un service minimum d’accueil. Et de rappeler que la mise à l’abri d’urgence et l’accès au logement sont des droits fondamentaux, quel que soit le statut administratif des personnes.

(1) Fabrique des personnes « sans-papiers », fabrique des « mal-logés ».

Katia Rouff-Fiorenzi



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