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■ ACTU - Prostitution des mineurs • La protection de l’enfance en première ligne
Entre 7000 et 10000 mineurs se prostitueraient en France. Un chiffre « très approximatif », met en garde le rapport que vient de rendre public, le 13 juillet dernier, le groupe de travail sur la prostitution des mineurs. Installé en septembre 2020 par le secrétaire en charge des familles et de l’enfance, Adrien Taquet, il vient de lui remettre 95 préconisations pour lutter contre un phénomène en hausse depuis cinq ans selon l’ensemble des professionnels auditionnés.
Majoritairement des jeunes filles
Il concerne très majoritairement « des jeunes filles de 15 à 17 ans en moyenne, vulnérables, provenant de tous les milieux sociaux et qui ont des difficultés à prendre conscience de leur statut de victimes ». Beaucoup sont en situation de rupture familiale et entre 40% et 49% disent avoir subi des violences pendant leur enfance, principalement intrafamiliales et/ou sexuelles. Très souvent ces violences n’ont pas été dénoncées aux autorités. L’observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis complète que lorsqu’elles l’ont été, dans 72% des cas, il n’y a pas eu de suites judiciaires. « Beaucoup d’adolescentes disent avoir fait le choix de la prostitution et de ne pas le subir. Elles emploient d’ailleurs souvent les termes de michetonnage ou d’escorting qui, pour elles, ont une valeur plus positive », analyse le rapport. Pour ses auteurs, elles ne se reconnaissent pas comme des victimes de la prostitution.
Mineurs non accompagnés vulnérables
« Les établissements et les services de l’aide sociale à l’enfance ou ceux de la protection judiciaire de la jeunesse sont particulièrement exposés à ces problématiques », souligne le rapport. Il s’inquiète notamment de la situation des mineurs non accompagnés « qui forment l’essentiel des victimes masculines de la prostitution des mineurs » et présentent « des vulnérabilités très fortes : la plupart ont vécu des situations d’agression ou d’esclavage sexuel dans leur pays d’origine, pendant leur trajet migratoire et à leur arrivée en France ». Et d’ajouter : « les réseaux usent de tous les subterfuges pour mettre en échec l’action des autorités », notamment pour les faire passer pour majeurs…
Intervenir dans les foyers
Le groupe de travail préconise un travail de repérage et de sensibilisation à ces thématiques dans les établissements de la protection de l’enfance et les services de prévention spécialisés. Lors de son audition, la convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) signale une demande des foyers de la protection de l’enfance pour des interventions de sensibilisation : « les éducateurs présents sur site n’étant pas nécessairement formés à ces questions ». Des formations transdisciplinaires et des interventions pluridisciplinaires manquent. Les auteurs avancent que « les réponses d’accompagnement doivent être pensées avec et au-delà des dispositifs classiques de la protection de l’enfance ». Ils soulignent que « la réduction des risques liés à la prostitution est une démarche essentielle à mener en complément des mesures de protection. La consommation excessive d’alcool ou de drogues ou encore la méconnaissance des méthodes de contraception et d’avortement sont des réalités pour les jeunes impliqués ».
Appel à un plan national
Le groupe de travail appelle à la mise en place d’un plan national de lutte contre la prostitution des mineurs avec pour axes principaux : la définition d’un cadre de gouvernance national et territorial ; le déploiement d’une politique de prévention primaire ; le renforcement de la protection des mineurs sur internet et les réseaux sociaux ; l’amélioration du repérage, du traitement judiciaire et de l’accompagnement de ces jeunes et la mise en œuvre d’une politique de formation interdisciplinaire pour les professionnels. Ces propositions seront-elles retenues ? Le secrétaire d’Etat, Adrien Taquet, promet l’annonce en octobre d’un plan national de lutte contre la prostitution des mineurs.
Marianne Langlet