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■ ACTU - Rétention administrative : à Lyon, un médecin démissionne et dénonce
Fin 2022, le médecin de l’unité médicale du centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry a claqué la porte. Il s’alarme de la « violence institutionnelle » à l’œuvre et de ses effets sur les personnes retenues.
« Le Centre de rétention administrative (CRA) de Lyon est une fabrique de violence particulièrement efficace et inhumaine. Et ceux qui y travaillent, policiers et partenaires, comme ceux qui y sont enfermés, subissent de jour comme de nuit cette violence institutionnelle ». Ces mots, le docteur Thomas Millot les a formulé dans une lettre ouverte publiée à la mi-décembre sur les sites de la Cimade et du média Rue89Lyon. Il y annonce sa démission de son poste de médecin dans l’unité médicale du CRA de Lyon Saint-Exupéry. « J’ai le sentiment d’avoir été moi-même broyé par la politique rétentionnaire déshumanisée de mon propre pays », juge-t-il (1).
1254 personnes ont été enfermées au CRA de Lyon en 2021, pour une durée moyenne de 24 jours. Le centre compte actuellement 140 places.© Fifaliana Joy / Pixabay
Un centre de rétention est un lieu d’enfermement dans lequel l’administration place, pour 90 jours maximum, des personnes en vue de leur éloignement forcé du territoire national. Thomas Millot a officié pendant 5 ans dans celui du Rhône. S’il dit avoir eu conscience dès le départ d’intégrer « des services médicaux sans moyens », il estime que les conditions de rétention et l’offre de soins au sein de l’établissement se sont irrémédiablement dégradées.
Conditions dégradées
Il déplore aujourd’hui que ce lieu s’apparente, dans les faits, à un centre de détention. La préfecture du Rhône y enfermerait non seulement des personnes en instance d’expulsion, mais aussi « des sortants de prison ou des sans-papiers arrêtés dans la rue pour trouble à l’ordre public, une population de retenus ultra précarisée, souvent d’anciens mineurs non accompagnés qui ont perdu toute attache familiale à la pré-adolescence, ont débuté la toxicomanie à peu près au même âge et ne connaissent des rapports humains que ceux que la rue génère ». Or le personnel médical n’a pas les moyens de soigner correctement ces personnes. Fin 2022, pour plus de 100 personnes retenues, l’équipe sanitaire comprenait 3 infirmières et un médecin à mi-temps selon la Cimade. Des effectifs insuffisants au regard de ce que prévoit la loi (2).
Droit de retrait
Le praticien s’indigne de conditions d’enfermement génératrices d’un climat grandissant de tension et de violence. Violence dont souffrent d’abord les retenus eux-mêmes, puisqu’à la différence des prisons, aucun personnel n’est présent dans les zones d’hébergement du CRA pour assurer la surveillance et pacifier les relations entre retenus. Ce n’est pas la mission de la Police aux frontières. Le 25 novembre, l’équipe médicale avait d’ailleurs exercé son droit de retrait suite à plusieurs incidents et réclamé que la police assure la sécurité des personnes enfermées (3).
Violence aussi à l’encontre des fonctionnaires de police, des partenaires intervenants sur site (OFII, association Forum Réfugiés, etc.), et du personnel médical. Le médecin conclut ainsi sa lettre ouverte : « Je pars donc du centre de rétention administrative de Lyon ce jour, par dépit, car les conditions de base qui pourraient me permettre d’y faire du soin n’existent pas. »
Thomas Sévignon
1 : Lettre ouverte pour dénoncer "une fabrique de la violence"
2 : Pourquoi le médecin et une partie de l’équipe du CRA Saint-Exupéry démissionnent
3 : Explosion de violence au CRA Saint Exupéry, l’équipe médicale utilise son droit de retrait
A lire aussi dans Lien Social n°1282 : Rétention • Libérez les enfants et dans le n°990 : L’enfer de la rétention administrative