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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Kakistocratie
Un mot pour le scrabble qui rapporte bonbon ! Je viens de le découvrir : pourtant je côtoie depuis des années des responsables qui endossent avec brio la fonction de technocrate de bas étage. Qu’est donc la kakistocratie ? C’est la promotion des nuls. Elle blesse de nombreuses institutions du médico-social depuis qu’on multiplie les postes administratifs au détriment de ceux de l’éducatif qui sont réduits à peau de chagrin. La création de l’A.R.S. aurait dû nous alerter ! Ça commençait à sentir pas bon quand la recherche qualité a pointé le bout de son nez, avec la labellisation, la grille d’évaluation et j’en passe. Vous me suivez ? Quelques exemples, piochés au cours des dix dernières années, illustrent cette catastrophe qui est loin d’être naturelle : une directrice demande instamment de ne plus travailler avec passion et prône l’interchangeabilité – rejetant le concept d’attachement en bafouant, in extenso, le long trajet relationnel qui tricote la confiance mutuelle ; une autre, de commencer à 9h et de partir à 16h, alors que les enfants arrivent à 8h45 et repartent à 16h15 ! ? Une troisième, d’évincer les instituteurs des projets et de l’organisation de l’année – ils n’auront qu’à se caler sur le programme qu’on fera pour eux ; un quatrième demande de faire manger les enfants les uns après les autres, pendant que les professionnels font garderie dans une salle avec ceux qui attendent leur tour, méconnaissant l’importance de la socialisation ; un chef de service – anciennement éduc, ça fait peur – est choqué quand un éducateur relate son coup de fil à une famille, qui était au cœur d’un incendie, pour prendre des nouvelles : quelle idée de vous inquiéter, mais enfin ce n’est pas votre place ! Des exemples, il y en a à la pelle et ce sont les enfants et les familles qui ramassent. Cette profession se casse la gueule en beauté car le « haut du panier » se sert mal des manettes. Dispositif, économie, budget. Un grand écart sépare le haut qui ordonne du bas qui rame pour continuer à croire à ce qu’il fait. Le bas, la racine d’où monte la sève qui donne vie – et envie – doit faire face à des « managers » qui nous coupent l’herbe sous le pied. Ces derniers ignorent les demandes, mais ils ont appris à donner le change. Ils se calent bien en face, opinent et n’écoutent pas. Ça bute – c’est le but – : ça énerve, ça rend fou : on s’en fout de perdre le sens du service, pourvu que ça tourne ! Il faut de la passion pour faire ce métier ! Ce n’est pas seulement le salaire qui nous extrait du lit. Il faut conjuguer le verbe aimer à tous les temps et surtout par les temps qui courent ; c’est une manière de résister. La promotion par l’incompétence est une stratégie : en favorisant un « mauvais », on l’oblige ! Moi, ça m’éraille les oreilles qu’il y ait tant d’incapables aux commandes ! Il y a plus à perdre qu’à gagner. Enfin, ça dépend ce qu’on cherche. Si l’humain n’est plus le cœur de notre réflexion, les pertes seront incommensurables. La profession tout entière se figera dans l’hébétude. Comment faire le deuil de sa propre inutilité quand on n’est plus qu’un grain de sable dans la machine. Demain on va nous dire qu’on n’a plus besoin de former des éducateurs puisque n’importe qui fera mieux l’affaire dans cet engrenage voué à l’aberration.