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Le billet de L’irrÉDUCtible, éducatrice spécialisée

Je ne sais pas si t’existes. Parfois j’ai envie d’y croire parce que ça serait rassurant de savoir qu’il y a un mec la haut et qu’une fois morte, je serais le cul nu sur un nuage à discuter avec Coluche. Et parfois j’ai pas envie d’y croire parce que c’est pas rassurant d’être en train de brûler en enfer en fumant des clopes avec Adolphe. Je vais partir du principe que tu existes. Du coup j’ai des trucs à te dire. Je poserais pas de questions puisque je n’aurais pas de réponses. Tu me diras ça serait peut-être plus simple d’aller voir un psy, mais t’es franchement moins cher. J’ai des remarques concernant l’humanité. Alors déjà, c’est quoi ce bordel ? Donc, certes, le libre arbitre c’est bien mignon mais. En attendant, je dirais pas non pour un petit coup de foudre sur notre bonne vieille planète. Quand je dis coup de foudre, je parle pas d’orage, je parle d’un coup d’amour. Un coup de je t’aime, comme dirait ce bon vieux Richard. Parce que je suis un peu fatiguée, il y a encore peu de temps je me disais que j’allais quitter mon pays. Mais pour aller où ? Et puis fuir ça sert à rien, si c’est pour me retrouver avec mes fantômes au cul le reste de ma vie. Franchement, je préfère rester là et me défendre. Me battre même peut-être. Je t’imagine me regardant avec des yeux ronds, mon p’tit Dieu. Mais, qu’est-ce tu veux ? C’est ce qu’il se passe, les gens se battent, pour le bien paraît-il. C’est con, non ? Il faut se battre pour le bien, mais se battre, c’est mal. Et « mal » et « bien », c’est opposé. C’est comme si je disais « j’ai froid, alors je jette de l’eau sur ce bois en espérant qu’il prenne feu ». Alors, qu’en fait, il suffirait juste de demander des allumettes. Putain, tu dois être dépité de nous voir nous détruire pour des conneries. Mais oui Dieu, c’est un fait, la violence est bien présente. Tu te bats toi ? Bien sûr que non. J’imagine que tu dois être bien entouré. Une grande table ronde avec du beau monde, à ta gauche comme à ta droite. Et vous vous entendez tous très bien, malgré des chamailleries. Vous réfléchissez, vous communiquez, vous écoutez. Puis, vous avez gardé que les gentils, les méchants sont avec Satan. Nous, on est mélangé. Alors, forcément, c’est la merde. Y’aurait pas moyen que vous nous mettiez un petit signe distinctif pour reconnaître les gentils des méchants ? Un truc je sais pas, une étoile. Non !!! Pas une étoile. Un soleil. C’est bien un soleil. C’est… solaire. Nom de D… D-zeus, j’ai peur. J’ai peur de ce qu’on devient. Y’a quelques jours une copine m’a dit qu’elle avait décidé d’aider des migrants, bénévolement. Je suis contente de ce qu’elle devient, mais elle m’a aussi dit qu’ils dormaient dans un lieu devant rester secret. Ça m’a apeuré. Ils cachent des gens dont leur seul crime est d’être là. Heureusement qu’aucun E.T n’a tenté de venir sur notre planète, parce qu’on est loin de devenir une Terre d’accueil. On s’accueille même pas nous même. Ça m’aide pas dans ma dépression sociétale ça. D’ailleurs j’ai cherché une définition de « dépression », la première qu’on trouve c’est ça : « diminution de l’activité économique pouvant déboucher sur une crise. » Ça m’a rassuré, ça veut dire qu’on est environ 80% de la population actuellement en dépression économique. Je me sens moins seule. J’ai tenté de guérir, je suis allée voir un professionnel, un banquier. Mais il n’a malheureusement pas voulu me prescrire 10 000 €. Tu vois, c’est la merde ici, Dieu. Mais tu dois le savoir. J’espère que tu nous regardes de haut, mort de rire, en te disant qu’on est vraiment con quand même. J’aime cette idée, ça me fait du bien parce que j’aime rire. Ça me soulage de mes maux. Bon, je ne sais pas comment on est censé finir une lettre destinée à Dieu. Alors, bonne continuation à toi. Puis, on attend ton coup d’amour. Je te baise les mains respectueusement.