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► LE BILLET de La Plume Noire • On ne change pas une équipe qui gagne
Joly Laura, étudiante en formation d’éducatrice spécialisée, vient de plomber l’ambiance de la séance d’analyse de la pratique professionnelle animée par François Durand, formateur en travail social de son état. La maison d’enfants à caractère social (Mecs) où elle officie en stage depuis bientôt trois mois est un « véritable enfer » selon ses propres termes. Violence institutionnelle à tous les étages, turn-over à gogo du personnel éducatif, direction toute puissante et en bout de chaîne le symptôme qui vient raconter que rien ne va, des gamins complètement explosés. Sans direction, sans vision éducative, sans loi, ces enfants livrés à eux-mêmes en arrivent à se violer quand la nuit advient. Sur ce dernier point, Laura ne peut rien affirmer, mais certains gamins le lui ont raconté. À part ça, sur le sujet, au « Refuge Heureux », l’omerta est de rigueur. Impossible pour Laura de trouver quelqu’un qui veuille se préoccuper de l’inentendable.
François Durand connait quelque peu le « Refuge Heureux » pour y avoir effectué un remplacement d’été alors qu’il était encore étudiant en formation d’éducateur spécialisé. Au moment de ce remplacement, un éducateur expérimenté s’était fait prendre à son domicile la main dans la culotte de ses nièces. Les langues avaient pu se délier et l’on apprit que le gars violait des enfants depuis plus de dix ans au « Refuge Heureux ». Apparemment, personne n’avait jamais rien vu ou entendu et il avait fallu que cela soit sa femme qui le surprenne pour que le pot aux roses soit dévoilé. L’éducateur s’est pendu en cellule.
Cette histoire n’a pas fait grand bruit et concernant les enfants, le système s’était contenté soit de les renvoyer chez eux, soit de les réorienter. Ainsi, le « Refuge Heureux » avait pu reprendre ses activités et dix ans plus tard, une adolescente placée, aujourd’hui éducatrice spécialisée et amie de François Durand, passait à la casserole, violée par un éducateur. Elle n’a jamais trouvé la force de porter plainte et elle traîne ce traumatisme qui oriente toujours pour le meilleur ou pour le pire sa posture professionnelle.
Aujourd’hui, selon Joly Laura, la tradition se perpétue au « Refuge Heureux ». Cela n’étonne pas beaucoup François Durand dans la mesure où comme le dit le vieil adage : « on ne change pas une équipe qui gagne. »
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