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► LE BILLET de Ludwig • Le grand incendie

« Quand les corbeaux voleront blancs et que la neige tombera noire, le souvenir de Mélan s’effacera de ma mémoire  ». Quatrain Mélanais (1)

À l’origine, monastère du XIIIe siècle, c’est en 1916 que devient urgent la création d’un orphelinat, qui n’ouvrira ses portes qu’en octobre 1923. Jusqu’en 1967, directeurs et instituteurs s’y succèderont, formant ainsi la pré-histoire institutionnelle de cette future maison de l’enfance. Dans la nuit du 5 au 6 mars 1967, la tragédie de l’incendie ravage Mélan…
« Il est difficile de résumer une telle tragédie, car ce terrible soir, c’était les flammes, la fumée, les cris la peur, la souffrance, la mort, le secours des pompiers, la solidarité, les sauveteurs anonymes. Puis au petit matin, et avec la fatigue, la prise de conscience de la catastrophe, le constat du nombre des 18 petites victimes, les murs et les poutres calcinés.  »
S’intéresser au travail psychique institutionnel, si on lit Fustier, c’est d’abord revenir sur son origine, au lien entre hier et aujourd’hui. C’est tenter de psychanalyser l’institution pour comprendre ce que l’on appelle le « gouvernement des fantômes », car comme on dit, les murs ont une mémoire… Il est d’ailleurs souvent évoqué dans nos institutions la différence entre un passé merveilleux et un présent moins glorieux. « C’était mieux avant ». Oui, combien d’entre nous ont entendu ces nostalgies, parfois avec raison. Mais aussi, parfois, avec amertume ou résistance aux idées nouvelles.
Ainsi, étudier la vie des groupes qui font l’institution, se livrer à un travail d’analyse, est aussi s’enrichir d’histoire. Celle d’une équipe, d’un groupe ou d’une institution. Cela permet de prendre du recul, une hauteur sur les évènements présents.
Vallon (2) défend en ce sens l’apport de la psychanalyse, par une clinique de l’institution. En prise avec les mécanismes institutionnels, le psychologue aborderait la clinique institutionnelle comme « le pouvoir des fantômes » : le gouvernement des vivants par les morts, par le passé. À comprendre que ces fantômes sont invisibles, dans nos murs. Parce que « l’institution est présente aussi pour dire qu’elle nous a précédé, qui que nous soyons  ».
Prenons de la hauteur. Combien de situations ou de conflits non réglés sont encore sous-jacents, même après des départs de professionnels, combien de dégazages de cocottes-minutes sur lesquelles on referme le couvercle sans traiter le fond ?
L’institution est donc histoire, et les mythes fondateurs sont des récits des origines qui continuent à influencer les croyances et pratiques, et comme tout récit généalogique, transmettent dons et dettes. Il s’agit de connaître le passé, pour comprendre le présent et ainsi penser le futur.


(1) Chatel J. et al, Taninges-Praz-De- Lys, Histoire de notre commune, 2019.

(2) Vallon S., Pour une clinique de l’institution, in VST - Vie sociale et traitements no 84, p.101-109, 2004.