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► LE BILLET de Vince • Il n’adhère pas…

« Il n’adhère pas à l’accompagnement ». Combien de fois entend-t-on quotidiennement cette phrase dans notre milieu ? L’accompagnement aurait donc des propriétés adhésives ? Comme le papier tue-mouches ? Mais s’il n’adhère pas, c’est peut-être que la surface de contact n’est pas assez propre. Non ? On interroge rarement la qualité de la page présumée recevoir les autocollants. Si ceux-ci n’adhèrent pas ou se décollent, c’est peut-être tout simplement parce que nous ne les avons pas appliqués au bon endroit ou pas de la bonne manière. Cette expression est d’autant plus surprenante quand elle concerne une personne peu réceptive à l’offre éducative, surtout lorsqu’on sait que c’est plutôt le travailleur social qui est collant par définition. Alors un sujet qui n’adhère pas, c’est finalement peu étonnant. De toute façon, quand tu mets trop de colle, ça glisse. Si tu n’en mets pas assez, les angles se décollent. Tout est une question de dosage et de qualité de la colle. Un petit tube de glu s’avère a priori plus performant qu’un gros bâton de colle blanche. Mais selon les surfaces à coller, l’usage du petit tube n’est pas toujours approprié. Le travailleur social qui arrive avec le mauvais outillage aura bien du mal à « faire adhérer ». S’attaquer à la pose d’un papier-peint d’une chambre à la glu, c’est au moins aussi absurde que de fabriquer huit litres de colle pour poser une rustine. Le travailleur social qui débarque avec une ordonnance à réaliser en douze mois doit tenir compte des propriétés des matériaux, préparer les supports, préparer sa colle, l’appliquer, respecter les temps de séchage. Le problème c’est souvent le manque de temps de l’artisan. En voulant en gagner pour courir sur d’autres chantiers, il finit par mal faire le travail, il colle à la va-vite et il s’étonne que ça n’adhère finalement pas !
Quoi qu’il en soit, c’est moche cette expression « il n’adhère pas à l’accompagnement ». L’accompagnement ne devrait pas être un objet gluant. Quand bien même son étymologie se rapporte au pain et que les propriétés de l’amidon ne soient plus à démonter, cette notion mérite qu’on l’embrasse sans s’y engluer.
Pour qu’un accompagnement soit opérant, il est impératif de respecter toutes les caractéristiques des matériaux, y compris les plus rugueux, les moins malléables ou les plus tordus. L’accompagnement est plus un travail d’origami que de collage. Cependant, l’art du pliage est des plus subtils. Il nécessite de l’étude, de la patience, de la technicité. Alors qu’on croit gagner du temps avec des découpages grossiers et des points de colle, on se rend finalement compte que les pièces ainsi confectionnées se déchirent vite. Il convient plutôt d’utiliser exclusivement la plasticité de la personne, sans procédés artificiels, en respectant ses plis, sa forme, son épaisseur. Il s’agit de la recevoir telle qu’elle est, de lui proposer des jeux de pliages sans l’agresser à grands coups de ciseaux et d’emplâtres maladroits. On peut plier et déplier à volonté. On prend le temps de la recherche du bon angle, de la forme parfaite. On tâtonne. On accepte l’erreur. Alors que quand on colle, on finit toujours par arracher, froisser ou déchirer.
Tu adhères à cette vision de l’accompagnement ?



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