N° 1220 | Le 11 janvier 2018 | Frédéric Maly, chef de service éducatif en ITEP | Espace du lecteur (accès libre)
L’idéologie se définit comme un système de pensée influençant les comportements individuels et collectifs. La conjoncture motive des choix politiques, puis les lois génèrent des actions concrètes. Par exemple, l’élaboration du Projet Personnalisé d’Accompagnement (PPA). Ce document symbolise un choix de société : que la personne en droit d’accéder à une aide issue de la solidarité nationale participe à la construction des modalités de son accompagnement.
Vous me direz que ceci est « normal ». Oui, ça l’est. Tout comme il était normal de mettre les enfants dans des bagnes, les polyhandicapés dans des asiles, que les femmes n’aient pas le droit de vote, de donner du vin aux enfants car l’accès à l’eau potable n’était pas évident… La normalité est une évidence en fonction des époques. Et une nouvelle norme s’impose, c’est ce qu’on appelle la démarche inclusive. Dans un passé proche nous parlions surtout d’intégration.
Avec l’intégration, il s’agit d’aider l’individu à s’adapter aux normes sociales dominantes. Avec l’inclusion, on considère qu’il fait partie de fait de la société avec toute sa différence. Il ne faut donc pas entraver l’accès au droit commun. Il est impossible de s’opposer à ce principe.
Reconnaissance
Mais accéder au droit commun, c’est aussi être soumis à la responsabilité qui en découle. Quand on sait la forme que peuvent prendre les symptômes des jeunes que nous accompagnons en ITEP, c’est risquer de les faire passer d’un statut de victime de ce qui les fait souffrir à celui de coupable de ce qui les fait agir. Je fais l’hypothèse que l’inclusion irraisonnée peut générer non pas de l’exclusion, mais de la désintégration : terme qui dans son sens premier signifie anéantir la cohésion d’un groupe.
Le dispositif ITEP s’illustre par l’adage attribué au formateur Serge Heuzé : « Dehors autant que possible, dedans autant que nécessaire ». Le dedans autant que nécessaire est remis en question par les politiques publiques. Prudentes, elles n’écartent pas totalement la nécessité d’accueillir. Mais la littérature abordant le thème de l’inclusion, du parcours de vie, de la plate-forme de service, évoque partiellement le sujet et décline vers la question de la désinstitutionnalisation qui est d’ailleurs plutôt abordée sous l’angle du désétablissement : le choix des mots peut être questionné.
La création des établissements résulte d’un choix de société orienté vers des modèles d’interventions protecteurs. Maintenant, l’effort est tourné vers le modèle inclusif. L’un ne devrait pas chasser l’autre, mais à moyens constants, quand on développe d’un côté, on déshabille de l’autre. C’est là que les familles, les associations, les professionnels, tous citoyens, doivent réfléchir ensemble pour trouver le juste milieu entre tout prendre en bloc ou s’opposer à tout. L’intention inclusive est juste, louable, « normale ». Tout comme celle de protéger les plus fragiles, n’est-ce pas ?
Je crois possible de penser l’inclusion comme sortir de l’établissement pour rester dans la société, mais aussi veiller à ce que la société vienne s’inclure dans des espaces protecteurs résolument tournés vers le renforcement du pouvoir d’agir, par la restauration du corps et de l’esprit dans des lieux dédiés et démocratiques.