N° 1223 | Le 20 février 2018 | par L’équipe d’éducateurs de prévention spécialisée et la psychologue | Espace du lecteur (accès libre)
L’adolescence bouscule le jeune, ses parents et le fonctionnement familial à des degrés divers suivant le contexte et nous pouvons, éducateurs et psychologue, être interpellés dans les situations de crise, de tensions, de rupture, d’isolement… Notre association de prévention spécialisée (1) propose, sur le principe de la libre adhésion, quatre rencontres en binôme – éducateur et psychologue – avec l’ensemble de la famille au domicile ou, dans certains cas, au bureau.
En amont, l’éducateur repère les difficultés de l’ado-lescent·e, parfois symptômes d’un dysfonctionnement plus global ou d’une problématique familiale, et offre un espace-temps d’écoute, d’échange et de médiation à la famille. Mais le croisement de regards de l’éducateur et de la psychologue enrichit l’accompagnement et le travail d’analyse ainsi que les perspectives d’orientations les plus adaptées pour guider le jeune et sa famille vers un « mieux vivre ensemble ».
L’adolescence, passage plus ou moins bruyant dans la construction du sujet, a des effets sur le système familial, qui peut lui aussi être perturbé par cette période de remise en question. Le travail individuel de soutien, d’écoute, de soin psychologique peut être nécessaire mais parfois c’est l’ensemble de la sphère familiale qu’il faut entendre, pour simplement permettre de nouveau la communication ou proposer d’autres aides plus spécifiques. Le ou la psychologue reste pour certaines familles un professionnel qu’il est difficile d’interpeller. L’aller-vers peut permettre, dans ces situations, de démystifier cette fonction.
Jeux de rôle
La lecture familiale est complexe, il est nécessaire d’être deux pour une écoute plus large, guidée aussi par nos places professionnelles et personnelles. La mise en commun après les rencontres des éléments abordés, des ressentis, des émotions exprimées par la famille mais aussi par chacun des professionnels est primordiale pour la compréhension de la situation.
Nous sommes dans une dynamique de co-construction avec les familles, au cours des rendez-vous nous leur faisons un retour de nos réflexions mais aussi de nos « débriefings ». Nos échanges en équipe permettent un croisement des regards.
Des temps collectifs réunissent l’ensemble des acteurs intervenant auprès des familles. Nous échangeons sur nos entretiens, sur les difficultés rencontrées, afin de dégager des pistes de travail et, parfois, de prendre du recul sur les situations vécues. Nous utilisons également les jeux de rôle pour travailler autour des situations ; l’éducateur et la psychologue présentent aux collègues le ou les entretiens passés avec une famille, ainsi que différents éléments qu’ils estiment importants dans la compréhension du fonctionnement et de l’histoire familiale, sans pour autant entrer dans les détails. Ensuite, les collègues n’intervenant pas auprès de la famille mettent en scène le prochain entretien. Cela permet aux intervenants de se décentrer de la situation, d’avoir une vision extérieure et globale pour déceler des enjeux et des interactions difficilement perceptibles lorsque l’on est pris dans l’entretien. Cette pluridisciplinarité permet alors d’adapter notre accompagnement.
Médiations nouvelles
Ce travail de complémentarité permet d’élaborer des médiations nouvelles, des outils spécifiques. Prenons un exemple : la famille S nous a été orientée par la CPE du collège suite aux inquiétudes liées aux absences d’Inès et aux difficultés exprimées par les parents. L’adolescente, 14 ans, refuse de retourner à l’école. Elle ne trouve pas sa place auprès de ses camarades et se retrouve souvent « au milieu d’histoires ». Ses parents sont excédés : Madame n’en peut plus de voir sa fille cloîtrée à la maison, Monsieur ne comprend pas qu’Inès ne fournisse aucun effort. Les conflits et la tension sont à leur maximum lors des rencontres. Inès semble perdre confiance en elle et en ses compétences. Elle ne se saisit plus des propositions faites par ses parents et impose son retrait. Elle s’enferme dans sa chambre et passe ses journées sur les réseaux sociaux, ce qui crée des conflits à la maison mais aussi à l’extérieur (règlement de comptes, disputes devant la maison avec d’autres adolescentes). Le dialogue entre les membres de la famille semble rompu, Monsieur et Madame parlent de la « DDASS » pour un foyer pour Inès, afin d’éviter d’en venir aux mains.
Nous avons proposé à Inès d’être en lien avec la prévention spécialisée mais sans succès. Lors du dernier rendez-vous, nous avons convié l’assistance sociale du collège afin de faire le point sur la situation d’Inès au niveau scolaire, mais également afin de leur parler de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les quatre rendez-vous nous ont permis de pointer avec les parents et Inès les difficultés au-delà du scolaire, nous avons demandé ensemble une instance auprès de l’ASE afin qu’une présence éducative régulière au domicile puisse apaiser les tensions et permettre à Inès de sortir de son isolement.
(1) Median, Nord Isère, intervient auprès de jeunes entre 12 et 21 ans et de leur famille.