N° 1223 | Le 20 février 2018 | par Caroline Anquetil, travailleuse d’ESAT | Espace du lecteur (accès libre)
Comment cela se fait-il que rien que le mot « Épilepsie » effraie les gens autour de moi ? L’incompréhension et la peur face à une maladie neurologique sont stupéfiantes et effrayantes. Et le dévouement d’un couple ayant une enfant différente des autres à cause de la maladie dépasse en tout point ce qui est imaginable.
L’histoire de la première crise d’épilepsie à l’âge de trois ans chez Mamie dans le jardin, c’était en été. Mamie a cru que j’avais avalé un noyau de cerise, mais moi je savais les recracher ! Mes jeunes années furent des années de galère à cause de l’épilepsie et des complications existentielles. Ma scolarité ne fut pas simple, compliquée par les hospitalisations fréquentes qui me firent redoubler deux fois. Mon traitement joua sur mon manque de rapidité, j’étais plus lente que les autres enfants et, quand la maîtresse écrivait au tableau noir, je mettais du temps à recopier.
Comment partager une vie amoureuse lorsque le soir avant de se coucher, il faut se garnir et mettre une couche comme un bébé ? Si cela n’empêche pas les rapports sexuels, cela ne les favorise pas. À l’époque j’appelais mes couches des « tue-l’amour » parce qu’une fois mise, ce n’était pas facile à enlever et à remettre… La manipulation tue l’envie de faire l’amour et, au début d’une relation, quand il faut avouer à son partenaire que l’on met des couches la nuit, c’est la honte.
Les vacances au camping en famille transformèrent mon papa en un infirmier à plein temps, toujours avec sa trousse à pharmacie, alcool à 90° C, pansements et parfois bandages pour maintenir les pansements, car à neuf ans, on est une enfant qui court dans tous les sens avec les copains et les copines, j’avais les genoux couronnés et les coudes esquintés à force de tomber toutes les cinq minutes. Il faut préciser que l’on était dans un camping naturiste donc je courais nue et ce fut l’été où je fis le plus de crises ! Cet été là mon papa me donna une consigne qui me sert encore à ce jour, en 2018, 41 ans après : « Si tu sens une crise venir, accroupis-toi, tu tomberas de moins haut ! Et tu te feras moins mal. » Depuis, je m’accroupis partout et parfois même devant la télé, je m’assieds par terre au lieu de m’asseoir dans un fauteuil ou sur une chaise, plus confortablement, mais je me sens plus en sécurité près du sol que perchée sur une chaise, et parfois je m’assieds en tailleur sur un coussin à même le sol, et je regarde la télévision tranquillement et on vient me dire : « Mais pourquoi es-tu par terre ? Tu serais mieux dans un fauteuil… » et je réponds : « Je suis mieux par terre car au cas où je ferais une crise je tomberais de moins haut ! » J’ai aussi pris une mauvaise habitude de ne jamais verrouiller la porte des toilettes quand j’y suis de peur de rester enfermée si je fais une crise et pour que l’on puisse venir m’aider en cas de malaise. En foyer ou en ESAT, cela peut être gênant…
Le professionnalisme dont mon éducatrice co-référente est dotée m’a laissée admirative : elle ne connaissait pas l’épilepsie et elle me demanda de m’accompagner chez le neurologue pour pouvoir le questionner sur la maladie et savoir comment agir en cas de crise. Elle m’accompagna à un rendez-vous en présence de Papa. Cela s’est bien passé. Elle et l’équipe éducative suivirent les recommandations du médecin.
Ma crainte est de mourir d’une crise d’épilepsie un jour prochain, comme cela est arrivé à un travailleur épileptique de mon ESAT, dans une crise plus forte que les autres. La réaction d’un résident envers l’épilepsie m’étonna, sachant que mes crises sont liées au sommeil : à chaque fois que je m’endors dans le salon, il veut m’empêcher de dormir et me réveille en criant « Caroline, faut pas dormir ici, tu vas faire une crise » et cela lui fait terriblement peur !