N° 1225 | Le 20 mars 2018 | par Laurent Ott, pédagogue social | Espace du lecteur (accès libre)
Le Korczak que nous aimons, le Korczak que nous offrons est épris de réalité. Il est passionné autant qu’inquiété par ce qui nous arrive, par l’évolution du monde. Le Korczak que nous aimons se plonge dans tout ce qu’il y a de difficile, de complexe dans les évolutions sociales, sociétales, éducatives et politiques. Il y prend sa part, de critique comme d’implication. Il ne détourne pas le regard ; il n’embellit rien. Il décrit des réalités brutes et les affronte. Le Korczak que nous aimons n’est ni misérabiliste, ni idéaliste, mais il a le courage d’aller vers les invisibles, vers ce que l’on cache, vers ce que l’on dissimule, ou néglige. Le Korczak que nous aimons regarde le monde en face.
Deuxième passion, celle des autres. La première tâche des pédagogues sociaux, face à des enfants opprimés, oubliés, négligés, c’est de les entourer, de les soutenir, de les contenir. Face à leur énergie explosive dès lors qu’on libère leur parole, qu’on leur ouvre des portes, nous devons les entourer, les soigner, les protéger. Il s’agit de contenir celui qui est en risque d’exploser, de se perdre, de s’éparpiller. Il faut l’aider à rassembler toutes ces expériences nouvelles, toute cette énergie réprimée. Quelquefois, nous nous mettons à trois pédagogues pour aider un enfant à se contenir… Mais contenir n’aurait aucun sens si ce n’était pour ouvrir, pour sortir, pour découvrir le monde. Ces pédagogues qui contiennent sont aussi ceux qui accompagnent les risques, qui partent à l’aventure, qui accompagnent toutes les premières fois (première fois sans ses parents, première fois le train, la voiture, la nature, le Mac Do, la ville, la rue, les autres…).
Enfin, la passion d’agir : « Nous ne manquons jamais d’énergie au moment de faire ou d’agir, explique Nicolae, d’Intermèdes Robinson. C’est après, le soir venu, que nous réalisons tout ce qu’on a fait et tout ce qu’on a vécu. Et là alors on sent la fatigue. En fait cette énergie d’agir ce n’est pas une énergie qu’on aurait d’avant ; c’est une énergie qu’on reçoit et qu’on prend au fur et à mesure dans la rencontre. En réalité ce sont les enfants et les familles qui nous la donnent. Le pouvoir d’agir ça nous fait rigoler. Ce qui compte c’est l’énergie d’agir et l’énergie, elle vient des gens et des personnes elles-mêmes. Nous, nous tenons, car nous travaillons avec « les gens les plus forts du monde ». On leur casse leur maison, et ils la reconstruisent. Tous les jours, ils recommencent. Nous travaillons avec des résilients de la vie. »