N° 1231 | Le 12 juin 2018 | Critiques de livres (accès libre)
Après trente ans de bons et loyaux services, Pascal Noblet, haut fonctionnaire du ministère des Affaires sociales en retraite, décrit ce qui traditionnellement est tu, obligation de réserve oblige. Fin connaisseur de la gestion de l’action sociale, et notamment de la question des sans-abri, il nous livre un récit sans concession teinté d’humour, de pathétique et d’une certaine amertume. La haute fonction publique y apparaît marquée par la toute-puissance des chefs à qui il ne faut pas faire d’ombre, ni déplaire en tenant des propos décalés, incongrus ou irrévérencieux.
La solidarité qui règne entre les cadres pousse l’autorité supérieure à éviter de donner l’impression que la hiérarchie intermédiaire peut être fautive. De fait, l’architecture administrative contribue à l’improductivité, la mauvaise foi jouant un rôle clé à chaque niveau. « Face aux difficultés, l’administration estime souvent que la meilleure politique est de ne rien faire » (p. 21). Tous les chemins mènent au cabinet ministériel qui, pour être parfois éphémère, n’en cherche pas moins à garder la main. L’auteur décrit sans ambages ce qui se passe dans l’arrière-cuisine. Bercy qui, volontairement, sous-dote financièrement les associations mandatées, les contraignant à des tractations sans fin pour obtenir des rallonges.
Malgré les crédits considérables engloutis par les marchands de sommeil, le choix perdure de privilégier des solutions ponctuelles plutôt que pérennes. Les restrictions budgétaires drastiques, alors même que les besoins enflent. L’inconditionnalité de l’hébergement des personnes sans abri remplacée progressivement par l’exigence de présenter un projet durable. L’inflation des contrôles tatillons qui se traduisent surtout pas une débauche de paperasse. Toutes choses contribuant au déni du droit au logement.
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