N° 1234 | Le 4 septembre 2018 | Critiques de livres (accès libre)
Collège de France
Avec un titre aussi racoleur, on s’attend à un contenu plutôt populiste. Le propos est bien plus mesuré. Si on n’a souvent retenu de ce témoignage que l’amertume de ce principal d’avoir dû réorienter, pour le protéger, un élève en provenance d’Israël, il dit aussi bien d’autres choses.
Comme cette description du collège Versailles, où il exerça un temps, comme un lieu en perdition, oublié, enkysté dans une zone impossible à réhabiliter, coincée sous l’autoroute A7 qui vomit son flot incessant de voitures et de camions, entre une déchetterie et un squat de personnes SDF. Cet autre monde qu’il décrit, personne ne semble s’en préoccuper. Les enseignants y sont pour la plupart débutants et précaires, affectés là contre leur gré, 30 à 40 % d’entre eux obtenant leur mutation chaque année. Comme dans un camp de réfugiés, une mission l’emporte sur toutes les autres : survivre. Toute relation avec autrui est un rapport de force qui ne laisse aucun espace à l’empathie. Pas une semaine, sans qu’il n’y ait échange de coups entre élèves dans la cour, les couloirs ou même en salle de classe.
Le collège constitue une enclave sur un territoire en proie aux trafics. Si les grands frères dealers défient l’autorité du collège, c’est paradoxalement à eux que Bernard Ravet s’adressera pour sécuriser les profs en jupe se faisant siffler par des intégristes. Que ne feraient-il pas pour assurer la sérénité nécessaire à leur business ? Chaque matin, il se tient devant les grilles de l’établissement, pour marquer son territoire. Il fait repeindre chaque mur tagué. Mais, insidieusement, chacun s’acclimate au bain quotidien d’incivilités, d’insultes, de cris et de bousculades. Les établissements scolaires sont trop souvent le réceptacle des malaises et des souffrances qui n’ont pas d’autres lieux d’expression possible.
Jacques Trémintin
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