N° 1238 | Le 29 octobre 2018 | par Julie Jacquot, assistante sociale au COL, et Dominique Poizot, formateur à l’IRTS Hauts-de-France. | Espace du lecteur (accès libre)
Chaque année, le centre Oscar Lambret (COL), structure de lutte contre le cancer, accueille des étudiants de l’IRTS Hauts-de-France. Début 2017, les deux organismes décident d’organiser une journée de formation sur les modalités d’accompagnement psycho-socio-éducatives en onco-pédiatrie, projet porté conjointement par un formateur assistant de service social de l’IRTS-HDF et l’ASS du COL. L’objectif était à la fois de sensibiliser les futurs participants aux réalités quotidiennes auxquelles les patients et leur famille sont confrontés pendant et après la maladie, mais surtout de mettre en valeur les modalités d’accompagnement coopératives innovantes comme facilitateur du « guérir mieux ». Pendant près d’un an, sept réunions ont permis de circonscrire et d’affiner le programme et de mobiliser de façon conjointe des moyens techniques, logistiques, financiers, communicationnels et humains. La formation a rassemblé 222 étudiants, dont 63 ASS, 72 éducateurs spécialisés, 72 moniteurs-éducateurs et 15 infirmiers diplômés d’État.
Au-delà des corporatismes
Apprendre que son enfant a un cancer bouleverse littéralement un quotidien et une vie. Les répercussions sont nombreuses autour, par exemple, des questions d’organisation familiale et professionnelle, de scolarité, d’accès aux soins, de reconnaissance de la maladie, du handicap, de logement, d’impact financier, de sociabilités, de sexualité, d’estime de soi, etc. Les patients et les familles le verbalisent : « tout s’arrête », « c’est comme un coup de massue, un tsunami », « plus rien ne compte, même mon mariage est enterré ». Les patients et les familles sont traversés par différents sentiments : sidération, peur, colère, culpabilité, impuissance, etc. L’équipe pluridisciplinaire du COL a pour rôle de les aider à surmonter ces difficultés. La pluralité des regards et des compétences garantit la cohérence des interventions menées pour le projet de vie du patient ; l’équipe favorise une meilleure évaluation et compréhension des situations. Favoriser l’idée d’un « mieux travailler ensemble » repose sur la compétence de chacun à reconnaître celle de l’autre comme indispensable, en ayant conscience de la plus-value mais aussi des limites de chacun. Au COL, l’intercompréhension est un processus d’engagement qui mise sur les capacités d’échanges autour des représentations de ce que chacun est, des valeurs qui l’animent. Travailler ensemble introduit des préalables incontournables à la réussite d’un projet. C’est avant tout et essentiellement produire « du conflit, du désaccord et donc se confronter et négocier ». L’appréciation de la temporalité est toujours sujette à polémiques, « parce que liée au sentiment d’urgence ». Il y a à réfléchir sur le choix des modalités des pratiques professionnelles : l’efficience d’une action se mesure-t-elle à la rapidité de son application ? L’un des principes constitutifs de la coopération est de rompre en partie avec ses contraintes, sans abandonner son cadre, en faisant évoluer sa situation de travail, en donnant la primauté aux valeurs sur les contraintes. S’engager dans un mode d’action coopératif requiert de déconstruire et reconstruire ses pratiques professionnelles : « C’est là le paradoxe du travail ensemble : il conduit à changer tout en restant soi-même ; il appelle la refonte des postures professionnelles. »
Patients premiers experts
Cette formation, au-delà de comprendre les modalités de la dynamique socio-thérapeutique du COL, a permis d’aller avant tout à la rencontre des patients. Des patients qui ne « sont pas des numéros » mais bien des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qu’il faut appeler par leurs prénoms, qui éprouvent, aiment et n’aiment pas certaines choses, ont des envies et des peurs, des cultures et des croyances différentes, pleurent et rient, se battent contre la maladie en ayant chacun leur histoire, leurs armes et leurs défenses. C’est en les reconnaissant comme les premiers experts de la maladie que les projets d’accompagnement personnalisés sont coconstruits dans une approche bienveillante et authentique. Les retours des questionnaires de satisfaction sont très encourageants. Nous envisageons d’ouvrir ce temps à d’autres promotions étudiantes, d’inclure la participation de nouveaux intervenants qui contribuent au bien-être des patients comme les diététiciens ou les kinésithérapeutes, de développer certains points de réflexion comme la prise en charge palliative. Cette journée s’installera donc comme une rencontre annuelle. Une occasion de faire le point sur les innovations et réfléchir ensemble à de nouveaux outils d’accompagnement pour offrir aux patients et leur entourage une prise en charge toujours plus qualitative. « C’est une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble », écrivait Montaigne.