N° 1257 | Le 17 septembre 2019 | par Plume, assistante sociale | Espace du lecteur (accès libre)
Certains diront qu’il est mort d’une maladie (« L’hépatite C ») ; d’autres évoqueront une mauvaise hygiène de vie (« Avec ce qu’il buvait… ») ; quand d’autres se contenteront de le qualifier de « pauvre homme » (« c’est mieux pour lui… »). Ainsi, selon les avis, il sera tour à tour présenté comme victime (de la maladie), coupable – ou tout au moins responsable – (de son alcoolisme), ou encore « bienheureux » (délivré par la mort).
Mais qui ira vraiment dire, ou ne serait-ce que penser, LA vérité ? Une réalité qui dérange, que personne ne voudra voir, croire, et encore moins affirmer. Il est mort DE LA RUE. Il fait partie de ces hommes délaissés par la société, un homme que la société a tué. Un sans-abri parmi tant d’autres qui meurt dans l’indifférence générale et dans le silence d’un couloir d’hôpital.
Un homme parmi tant d’autres mais pourtant exceptionnel. Car, derrière son air de « SDF alcoolique », se cachait un homme sensible et généreux, toujours soucieux du bien-être des autres. Derrière son rire aux dents jaunes et son regard imbibé d’alcool se dissimulait un homme ouvert sur le monde et la société. Un homme au cœur d’or… transformé en simple « déchet » par cette société inhumaine.
Je ne devrais pas être touchée par cet adieu : après tout, il n’est qu’un « usager » parmi tant d’autres. J’aurais dû mettre cette sacro-sainte « distance professionnelle » entre lui et moi. Et aujourd’hui, je ne serais pas triste. Mais je n’ai pas pu, je n’ai pas voulu. Mon cœur pleure… un être humain au cœur d’or. Reposez en paix M. S., je ne vous oublierai jamais.
Hommage... à travers les étoiles...
Cela va faire deux ans que tu es parti
Deux ans que tu as rejoint les étoiles
Que tu as été emporté par la maladie
Que me hante la vision de ta chambre d’hôpital.
Mais qui suis-je pour parler de toi de cette façon
Suis-je coupable de notre relation ?
Penser à toi quand je regarde le ciel
Fait-il de moi une mauvaise professionnelle ?
Certains me jugeront
Coupable de ressentir
Responsable de notre relation
Coupable de souffrir
Incapable de gérer mes émotions...
Certains me penseront trop sensible
Pour exercer ce métier
Car il m’est totalement impossible
Aujourd’hui, de t’oublier.
Et pourtant, ce sont nos sentiments,
Le souvenir de moments partagés
Et la conviction que rien n’est plus important
Que notre commune humanité
Qui aujourd’hui m’incite à continuer...
Assistante sociale... à l’épreuve de la rationalisation
Assistante sociale… par delà la marchandisation
Assistante sociale... qui aime, rit et pleure
Assistante sociale, d’abord avec le cœur...