N° 1267 | Le 18 février 2020 | Par Emmanuelle, éducatrice spécialisée, Département des Hauts-de-Seine. | Espace du lecteur (accès libre)
Ce samedi 14 décembre, les salariés du Pôle Solidarités des Hauts-de-Seine ont reçu par recommandé un arrêté abrogeant le versement mensuel de l’une de leurs primes. Cela représente environ une perte de salaire mensuelle de 50 à 130 euros, en fonction du grade de chacun. Jeudi 12 décembre, un adolescent de 15 ans confié à l’Aide Sociale à l’Enfance a poignardé à mort un autre adolescent, également confié à nos services de protection de l’enfance.
Tous deux étaient accueillis à l’hôtel, faute de structure pour les prendre en charge, faute d’éducateurs spécialisés et d’assistants sociaux pour les accompagner, faute de temps de professionnels à leur consacrer. Que va dire le département des Hauts-de-Seine aux parents de ces deux enfants, à qui on a retiré la garde de leur enfant pour les « protéger » ? Quelles réponses vont être apportées aux interrogations légitimes du Juge des Enfants qui a pris cette décision ? Depuis le 1er juillet 2019, le département impose à l’ensemble des salariés du Pôle Solidarités une réorganisation à marche forcée, qui vient annuler les compétences de chacun d’entre-nous, ferme les PMI (lieu ressources par excellence de la prévention et d’échanges pour les familles, comme semble le découvrir Monsieur Adrien Taquet, notre secrétaire d’état), éloigne nos services des usagers…
Nos services se vident de leurs professionnels : nous ne savons plus pourquoi et pour qui nous travaillons. Ces trois évènements pourraient être lus indépendamment les uns des autres. Ils ont pourtant en commun de concerner notre département. Ils viennent dire, sur des registres bien différents, la manière dont celui-ci voit, anticipe, respecte le travail social, ses bénéficiaires et les salariés qui le font vivre. Parce qu’un professionnel brutalement moins rémunéré, si peu considéré qu’il en est interchangeable avec n’importe quel autre, seul pour réfléchir, prendre des décisions… est un professionnel incapable d’accompagner, aider, soutenir, guider deux adolescents violents, en souffrance, et leurs parents. Il n’est pas question de dire que ce drame n’aurait pas eu lieu dans un contexte plus apaisé, mais bien d’inciter chacun à réfléchir à ses responsabilités, et en premier lieu à nos dirigeants dans les Hauts-de-Seine. L’obligation de moyens leur incombe… L’obligation de nous donner à tous les moyens de travailler et de donner du sens à notre travail leur incombe…