N° 1182 | Le 31 mars 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Témoignage poignant s’il en est que celui de cette femme victime de violence conjugale douze années durant et qui, dans un geste d’ultime protection, porte un coup de couteau mortel à son mari. Incarcérée en préventive dix huit mois, elle sortira libre de son procès d’assises, le 23 mars 2012, après que lui soit reconnue la légitime défense. Il est vrai que pas un seul témoignage à charge ne sera présenté contre elle, le procureur prononçant lui-même un réquisitoire d’acquittement. Quand, à 17 ans, Alexandra Lange a le coup de foudre pour celui qui devient très vite son bourreau, il ne faut guère plus de deux mois avant que ne commence sa descente aux enfers. Insultes, mépris, dénigrement bientôt relayés par une violence physique pouvant surgir à tout moment.
S’il ne s’agit pas non plus de transformer une victime en coupable, surgit néanmoins toute une série de questions : pourquoi n’a-t-elle pas réagi ? Pourquoi n’a-t-elle pas quitté cet homme ? Pourquoi n’a-t-elle pas été en capacité de protéger ses trois enfants subissant eux-mêmes la brutalité de leur père ? Avec humilité et lucidité, Alexandra Lange répond à ces questions : inconscience, ignorance, faiblesse, elle n’a pas de mots assez durs pour qualifier sa passivité. Sont évoqués tour à tour, cette emprise qui emprisonne et anesthésie, cet espoir que la situation change, cet art consommé de la manipulation d’un tortionnaire promettant de s’amender. « La violence conjugale agit comme un rouleau compresseur écrasant tout sur son passage : capacité de discernement, faculté de révolte, bon sens. C’est une maladie qui gagne chaque jour du terrain, parce qu’on ne prend pas le temps de la soigner, occupée que l’on est à gérer le quotidien » (p. 105).
Ce récit, exempt de haine, ne cherche ni à justifier, ni à régler ses comptes. S’il dénonce l’inacceptable, il cherche surtout à l’éclairer et à le comprendre.
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