N° 969 | Le 15 avril 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Chaque année, depuis 2005, Jean-Yves Guéguen publie un ensemble de contributions rédigées par d’éminents observateurs, permettant au lecteur de faire le point, d’une manière synthétique et efficace, sur les progressions et les régressions de l’action sociale dans notre pays.
Le ton de la livraison 2010 est loin de cultiver l’optimisme. L’inquiétude émerge d’abord, en raison de la réorganisation de l’État qui vient remplacer le social de compensation par le social de compétition. La nouvelle procédure de délivrance des autorisations d’exercer sera dorénavant basée sur la mise en concurrence, sous forme d’appels à projet. L’administration qui passe commande, c’est une démarche descendante qui remplace la logique montante qui laissait auparavant l’initiative aux acteurs de terrain. Disparaissent ainsi les Crosms, ces commissions regroupant tous les niveaux institutionnels et associatifs qui étaient chargées de gérer le schéma de l’action sociale devant répondre besoins des usagers.
Au niveau central, cinq directions relevant de l’Etat fusionnent en un seul interlocuteur : la Direction générale de la cohésion sociale, avec comme risque la fin de la richesse que constituaient ces approches diversifiées. Au niveau local, toutes les instances relevant de la santé et du médico-social sont remplacées par l’Agence régionale de santé, avec la crainte d’une prééminence de la logique sanitaire sur l’approche spécifiquement sociale. Les paradigmes de l’idéologie libérale s’infiltrent partout. Du côté des usagers, ils incitent chacun à prendre en charge sa propre vie, sa mobilité, son adaptabilité, son autonomie, finissant par en faire le principal responsable de ce qui lui arrive et donc de ses propres malheurs. Du côté des institutions, l’évaluation est tentée de se rapprocher de critères de rentabilité.
Pourtant, dans le quotidien, les problèmes subsistent : tels le manque de ressources qui perdurent pour les personnes porteuses de handicap ou le vieillissement de la population handicapée (15 344 places restent à créer ou à aménager immédiatement et 14 936 autres à cinq ans). Le débat sur la prévention de la délinquance a accouché d’une souris, le seul souci n’étant pas tant de refonder l’ordonnance de 1945 que de concocter un nouveau code de la justice pénale des mineurs basé sur la seule « prévention de la récidive », avec en prime une nouvelle attaque contre le secret professionnel. Mais le pire n’étant jamais certain, restent la mobilisation et la résistance des acteurs, à l’image du Mouvement pour une parole politique des professionnels (MP4), Ni pauvre, ni soumis, initié par l’APF ou l’action de lobbying de l’Uniopss pour tenter d’infléchir le travail législatif.
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