N° 1338 | Le 25 avril 2023 | Critiques de livres (accès libre)
Aux côtés des familles
Françoise Epailly, Elisabeth Maitre, Marie-Agnès Ponçot, Alain Vurpillat avec Agnès Berthe et Patrice Bride
Protéger les enfants
De la rencontre entre Élisabeth, assistante sociale, et la coopérative Dire le Travail, est né ce projet d’écriture. Bien vite, Marie-Agnès et Françoise, deux autres assistantes sociales, Alain un éducateur spécialisé se joignent à l’aventure. Tous sont issus de l’ASE et à la retraite. Accompagnés par cette société coopérative se donnant justement pour ambition de porter la parole des travailleurs et travailleuses, ils se retrouvent de juillet 2019 à janvier 2022. Alternent des vignettes mettant en récit une pratique à chaque fois singulière, la reconstitution de réunions de service, des discussions professionnelles et le croisement du parcours de chacun(e). Se déclinent tout au long des pages ce savoir-faire artisanal qui se tisse dans les interstices d’un quotidien incertain et cette navigation dans l’eau trouble des familles en grande difficulté où prime la relation humaine. Ce sont ces visites à domicile qui permettent de découvrir la chambre d’un ado transformée en atelier de mécanique, un récipient rempli d’une vieille huile nauséabonde trônant au milieu de la pièce. Ce sont ces sorties familiales dans un parc à Bisons ou une ferme pédagogique. C’est cette audience chez le juge des enfants qui voit une mère menacer devant ses deux filles de les abandonner au cas où ne les lui rendrait pas aussitôt. C’est ce retrait d’enfants qui se déroule sous la protection de la gendarmerie. Autant d’émotions qui émaillent un quotidien si peu reconnu et trop souvent dévalorisé. Le sentiment de vider l’océan avec une petite cuillère, Élisabeth l’a souvent vécu. Mais il n’y a rien de plus magique quand « quelque chose dans le travail arrive à un aboutissement et (que) du positif émerge » rappelle-t-elle. C’est vrai, complète Alain, qu’il y a de quoi s’épuiser à vouloir sauver le monde. Mais ce qui ne l’a jamais quitté, c’est la conviction que « l’éducateur est un passeur de vie ». Pourtant renchérit Françoise, c’est un métier où « il n’y a pas de vérité et il faut accepter de se remettre en cause ». Afin d’éviter le risque de l’épuisement, le sage conseil de Marie-Agnès c’est d’« être à l’écoute de ses propres limites, pour ne pas aller au-delà de ce qu’on peut faire ». Gageons qu’un tel retour sur expérience sera largement partagé par les travailleurs sociaux qui liront cette belle monographie.
Jacques Trémintin
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