N° 1315 | Le 12 avril 2022 | Par Monique Eyraud, éducatrice à la retraite | Espace du lecteur (accès libre)
Des petites phrases un peu niaises, du genre : « Après la pluie, le beau temps », « Il ne l’emmènera pas au paradis » ou « La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe », se glissent dans mes réflexions quand un abruti croise mon chemin. Oui, je sais, on est toujours l’abruti de quelqu’un !
N’empêche, dernièrement, un ami cher, qui force mon admiration par sa détermination, son intelligence pratique, sa compréhension de situations épineuses et ses compétences à les dénouer, son écoute singulière, son don de l’élocution, sa qualité naturelle à tricoter des liens et son sens de l’organisation, vient de louper la moitié de sa Validation des Acquis de l’Expérience !
Tout son savoir-faire (son savoir-être) lui vient justement de l’expérience, dont il se nourrit depuis bientôt vingt ans !
Que s’est-il passé ?
« La faute à pas de chance ! ». Phrase qui surgit soudain dans mes pensées. J’en ai plein d’autres, mais je n’en ferai pas profiter mes lecteurs. Car justement, il n’a pas eu de bol. Lui, qui est poursuivi par l’angoisse de l’échec, pour différentes raisons que je ne vais pas développer ici, tombe sur un jury composé de trois éducs ! Chose improbable ! Normalement, il est composé d’un directeur d’établissement, d’un formateur et d’un éduc.
J’ai été éduc de nombreuses années et j’en ai rencontrés – une flopée –, qui avaient oublié de travailler autour de leur ego. Des messieurs ou mesdames « je sais tout », qui ne savent justement rien de « l’autre », celui qu’ils sont censés accueillir en toute humilité. Ces éducs-là gâchent la corporation, sont imbus du minuscule « savoir » qu’ils ont glané en feuilletant Freud, Winnicott et parfois (assez rarement d’ailleurs) Bion. Mais, ils ont souvent glissé sur le pont qui mène de la théorie à la pratique.
Alors, ces trois-là ont trouvé intolérable qu’un mec pas diplômé, ou si peu, occupe un poste d’éducateur depuis trois ans, sans avoir usé ses fonds de culotte sur le banc d’une école. Qu’une direction lui fasse confiance, qu’il sache mener des réunions, réunir des partenaires autour d’un projet et qu’il se permette de parler d’attachement, de lien, de confiance et de plaisir au travail, alors non ! Ça leur a fait trop.
Ces soi-disant « techniciens » (mot drolatique) de la relation ont loupé une rencontre. Pourquoi ? Ben, simplement parce qu’ils refusaient qu’un A.M.P. puisse prétendre exercer une fonction éducative et s’identifier à eux, sans qu’il se soit coltiné trois ans d’études. Mais à quoi sert justement une V.A.E, s’ils ne reconnaissent pas que l’expérience est une source d’apprentissages qui vaut largement la leur ? On voit bien sur le terrain comment ils se battent pour garder leur petit pouvoir. J’en ai connu un qui interdisait à l’A.M.P. de parler aux familles, sous prétexte que ce n’était pas inscrit sur sa fiche de poste. Le lien, c’est l’éduc ! Quelle prétention !
Loin de moi l’idée de donner une quelconque leçon, mais plutôt celle d’alerter pour éviter de telles dérives.
Pour terminer sur un ultime poncif, c’est sur ces trois personnes que « le bâton se retourne ». Laforcade est passé par là et je l’en remercie. Finalement, ce demi-échec est une joyeuse réussite. Si mon ami avait réussi du premier coup, il gagnerait misérablement 50 euros de plus. En restant A.M.P., son salaire va être gratifié de 183 euros, avec un rappel depuis le premier novembre 2021.
Certains éducs se sont révoltés devant tant d’injustice (ah ! ah !). Ils ont eu « du grain à moudre » et ont bénéficié de la prime qui leur sera versée en avril !
Elle n’est pas belle la vie ?
Monique Eyraud a publié « Chemins croisés, histoires de rencontres » & « Max et Maud et autres balades intérieures » Éd. La pensée vagabonde.