L’Actualité de Lien Social RSS
Billet de La Plume Noire • Féministe, Règlementariste et Fière de l’être !
Dans le métro, François Durand, éducateur spécialisé de son état, tombe sur une ancienne collègue. Lorsqu’il lui explique ce qu’il est devenu et où il travaille, Soha le traite immédiatement d’ « Abolitionniste ». Encore quelqu’un se dit François qui, persuadé d’être du bon côté des idées et de la pensée, se contente en guise et place d’arguments de qualifier l’autre pour le faire entrer dans sa vision œillères du monde. Histoire d’enfoncer le clou, elle se qualifie elle-même ; « Féministe et Règlementariste ». François Durand ne voit pas bien la connexion entre les deux surtout quand on sait que la volonté réglementariste de la prostitution puise son origine dans l’idée que les femmes puissent être utilisées comme de simples réceptacles à pulsions masculines. L’éducateur à beau chercher, pour lui, nulle émancipation féminine là-dedans. Soha, elle, a bien sa petite idée « Chacun et chacune fait ce qu’il veut de son corps. Surtout les femmes qui ont acquis ce droit de jouir de longue lutte. Là est l’émancipation ! ». Soha travaille aujourd’hui en toxicomanie et François se demande si elle estime, là aussi, que les toxicomanes font ce qu’ils et elles veulent de leur corps. Un peu comme elle dirait à une prostituée, vas-y ma cocotte enchaîne les passes, il l’imagine lancer, vas-y ma cocotte enchaîne les fixes. Soha ne parle pas de Prostituées mais de Travailleuses du Sexe ou, pour faire plus cool, de Putes. Faire de la prostitution un travail comme un autre, elle est intarissable sur le sujet. François, même s’il le connaît, compte le nombre de stations qui lui reste à faire, 5. Si encore Soha parlait d’Exploitées du Sexe, se dit-il, mais non, pour elle, il s’agit de Travailleuses du sexe. Elle semble ne pas voir l’ambition capitaliste qui se cache derrière un tel terme. Le jour où la prostitution se retrouve sur le marché du travail alors le trou du cul, ce dernier rempart de l’intimité, sera devenu une simple marchandise. François voit déjà ces jeunes filles et garçons, partant sur le chemin de l’école, en « Formation de Prostitution », pour apprendre à se faire sodomiser, lécher des couilles, faire 30 fellations dans la journée, bref, satisfaire le client qui, avec son porte-monnaie et sans aucune culpabilité puisque autorisé, pourra tout se payer. Sur son siège, Soha n’en démord pas. « Puisque la prostitution existe, arrêtons l’hypocrisie, autant l’organiser afin de limiter les risques inhérents à cette profession ». 2 stations. Oui, pense François, organiser, borner par des lois cette activité, afin de garantir la sécurité, la dignité ainsi que la santé des « Travailleuses du Sexe ». Le rêve capitaliste absolu : acheter le corps et le légiférer. Et puis la pédophilie aussi existe, alors allons-y, arrêtons l’hypocrisie, pourquoi ne pas l’organiser ? L’argument du consentement est déjà là pour ça. Après tout, plus on est de fous…
Au fait François, les maraudes se font toujours avec de l’eau bénite dans ta boîte ? Rigole Soha.
Une station. François se lève. Les portes de la rame s’ouvrent. « Allez l’Abolitionniste, à la prochaine ». L’espace d’une seconde, une furieuse envie de qualification le saisit. Il hésite entre connasse et pétasse mais se contente d’un « Ciao Soha, porte toi bien ». Il laisse son ancienne collègue derrière lui et part retrouver les prostituées et les prostitués. Ils et elles connaissent des histoires dont ils et elles ne révèlent les secrets qu’à de très rares exceptions et du bout des lèvres tant ils sont sales, beaux et surtout, précieux d’intimité.