N° 906 | Le 20 novembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Pascal Neveu pose plusieurs postulats qui président aux mécanismes du changement. Le premier d’entre eux est fondateur. La transformation de l’être humain ne fait pas partie de l’exception mais de la règle : il change tout le temps. Il n’est rien de plus faux que de penser l’identité d’une personne comme une réalité qui serait innée, préformatée ou stable. Bien au contraire, la construction de chaque individu se déroule tout au long de sa vie et se module au fil du temps. Le sujet n’est jamais identique à lui-même : ses sens, son regard, ses goûts, évoluent sous l’effet de son expérience. Il existe dans un mouvement dynamique qui le fait se transformer en permanence.
Second axiome proposé par l’auteur : ce qui nous fait changer, c’est bien sûr d’abord de parler de soi à un autre, ce qui facilite la compréhension de notre présent et de ce que l’on veut être. Mais ce n’est pas tant la confrontation au langage qui fait évoluer que le contact avec autrui, l’observation de ses comportements, de ses réactions qui permet de se situer, de se ressentir, de se mettre à l’épreuve de ce que nous sommes. Certes, l’autre possède parfois un tempérament dominateur, castrateur, qui nous empêche d’exister par nous-mêmes. Mais il peut tout autant nous aider à nous améliorer, en nous ouvrant des horizons au-delà de la structure plus ou moins rigide que nous nous sommes construite.
Et c’est là le troisième principe utilisé ici : l’évolution de l’individu ne se fait pas sans heurts, la pulsion de vie qui stimule le changement s’opposant à la pulsion de mort qui incite à l’immobilisme. « L’inertie est l’une des tendances naturelles de l’être humain. On préfère souvent composer avec ce que l’on connaît, même au prix d’un mal-être, tant qu’il n’est pas trop insupportable » (p. 150). Tout changement implique une rupture avec le passé, car il vient transformer notre identité et invite à abandonner une partie de soi, à faire le deuil de ce qu’on était auparavant, tout en acceptant les conséquences de ce que l’on va devenir. Il est bien plus facile de tenter de changer l’autre que d’essayer de changer soi-même. Nous cherchons surtout à le ramener à ce que nous sommes ou nous souhaiterions être, le voir incarner la représentation idéale.
Comment alors réussir à changer ? D’abord, prendre conscience de qui nous sommes, de nos potentialités et de nos fragilités, du noyau moïque inaltérable et nos capacités d’adaptation. La seconde étape réside dans l’élucidation de ce que l’on veut modifier dans notre façon d’être ou de penser. Ensuite, pas de recette : chacun sait mieux que quiconque comment faire. S’entourer d’une diversité de modèles identificatoires permet d’éviter l’enfermement dans un seul schéma de pensée, la diversité des représentations ne pouvant qu’être facilitatrice.
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