N° 906 | Le 20 novembre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Dans la vie, avant d’être victime des autres, on est prisonnier de ses propres sensations, affirme Guy Corneau. Dans ce nouveau livre, il nous propose d’explorer la perte du contact avec soi et la voie qui permet de renouer avec l’énergie et la force créatrice.
Le meilleur de soi, explique-t-il, c’est cette façon unique que nous avons de nous inscrire dans l’existence. C’est cette individualité profonde faite de goûts et de talents, de qualités et de dons, de potentialités et d’aptitudes qui constitue notre véritable essence. Pourtant, cette puissance qui gît en nous, nous passons notre vie à la négliger et à perdre le contact avec elle.
Cela commence dès la naissance : le nouveau né qui arrive sort d’un ventre chaud où il est complètement en sécurité, pour entrer dans un monde où il devra gagner son autonomie. Il est, dès lors, assailli d’angoisses existentielles terrifiantes : peur de la mort, de la division, de l’abandon, du néant… qu’il va lui falloir gérer tout le reste de son existence.
Dans les années qui vont suivre, son psychisme déploiera des couches protectrices servant d’interfaces entre lui et un extérieur vécu comme potentiellement menaçant. Se forgera une personnalité lui permettant de s’adapter aux exigences des autres, mais le coupant progressivement de ses sensations profondes. Plus il va être séparé de la jouissance de ses propres talents, plus il va se trouver prisonnier de l’image artificielle qu’il a créée et dépendant de l’approbation d’autrui. Cette dissonance entre ce qu’il donne à voir et sa véritable individualité produit des peurs, des croyances, des scénarios, des projections, des comportements, des humeurs, des compensations de plus en plus intenses, destinés à atténuer les émotions engendrées par les attentes déçues. Autant de conditionnements qui agissent comme des tyrans à l’intérieur de soi, dictant leurs lois et engendrant des destinées.
Mais, si ces mécanismes sont inévitables, leur diktat ne l’est pas. On peut converser avec elles. Nos vies peuvent redevenir intelligibles, pour autant que nous nous autorisions à les comprendre, que nous acceptions d’écouter les bruits qui s’élèvent de nous, que nous établissions une intimité bienveillante avec nous-mêmes. Ce qui implique de nous détourner de la quête sans fin de la satisfaction de besoins extérieurs jamais assouvis (surconsommation, surcompensation) et de nous recentrer sur une recherche qui trouve son contentement dans l’animation de nos sensations intérieures. « Une fois le contact pris, il s’agit de nourrir le meilleur de soi » (p.193). Ce qui n’est ni un but à atteindre, ni une performance à accomplir, mais une manière d’être qu’il faut faire vivre et laisser s’exprimer. Reste que le contact avec sa puissance créatrice est toujours fonction de la permission que l’on se donne d’être soi-même.
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