N° 713 | Le 17 juin 2004 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Clinique de l’infortune

Émilie Hermant


éd. Les empêcheurs de penser en rond, 2004 (200 p. ; 18 €) | Commander ce livre

Thème : Psychothérapie

Dans l’empêchement « chronique » de certains individus à se sortir des difficultés existentielles quelle est donc la part du contexte social et celle des facteurs psychologiques ? C’est à cette question que tente de répondre ce livre au travers de la relation d’une expérience de travail en commun réalisée au sein d’une association intermédiaire par des psychologues et des travailleurs sociaux.

Le syndrome de la « patate chaude » se manifeste en effet régulièrement lorsqu’au sein des structures de réinsertion certains usagers cumulent les échecs et semblent irrémédiablement voués à la précarité. La tentation est alors forte d’imputer ces résistances à des causes de nature psychologique et de se tourner vers les collègues du secteur sanitaire supposés détenir « la solution ». Le regard des psychologues cliniciens, lorsqu’il s’attache à découvrir les forces potentielles camouflées dans l’existence des individus, peut s’avérer d’une grande pertinence.

Exemples à l’appui l’auteur nous montre comment certains « handicaps » apparents peuvent en réalité résulter d’une dévalorisation systématique de compétences particulières, un peu à l’image de ce qui se passe pour les enfants surdoués lorsqu’ils se trouvent marginalisés dans le système scolaire classique. La démonstration est globalement bien menée même si le cas de « Malika » qui en trois mois semble récupérer d’une manière quasi miraculeuse de longues années de galère, suscite un peu de suspicion.

Quoi qu’il en soit, renouer avec l’autonomie suppose sans doute non pas de se détacher nécessairement des dispositifs d’aide mais de composer avec ces mesures sans renoncer pour autant à d’autres formes d’attachements de nature plus personnels. « S’ils sont mieux attachés, alors les bénéficiaires sont plus forts et moins seuls. S’ils sont mieux attachés, alors les bénéficiaires sont susceptibles de mieux bénéficier » et dans un paradoxe qui n’est qu’apparent, « ils deviennent alors plus libres », insiste l’auteur. L’exclusion ne constitue pas en soi une pathologie. Elle est avant tout une construction conceptuelle des sciences sociales.

Le regard des cliniciens doit se pencher sur la problématique individuelle de chaque personne en recherchant les attachements particuliers qui peuvent constituer autant de forces positives. Il s’agit alors de s’appuyer sur le parcours singulier de chacun, sur la façon dont il appréhende le monde à partir de ses modes d’existence et d’être au monde. Loin d’une pratique rigide et monolithique, il s’agit bien de jongler avec de multiples objets de diverses natures pour que les « bénéficiaires » aient la possibilité, eux aussi, de tisser le social dans lequel ils gravitent.


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