N° 1114-1115 | Le 18 juillet 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Jusqu’aux années 1970, le seul traitement de la maladie mentale passait par l’hospitalisation. Le développement de la sectorisation psychiatrique a permis d’élargir le champ d’intervention à travers les CMP (centre médico-psychologique), CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel), hôpitaux de jour et de nuit, appartements thérapeutiques, centres de postcure, hospitalisation à domicile etc. Quand un rapprochement s’est opéré avec le secteur médico-social, une forte résistance s’est manifestée dans le milieu psychiatrique.
Certes, l’identification de la maladie psychique à un handicap ouvrait sur des perspectives moins stigmatisantes et élargies tant en termes de ressources que d’hébergement, d’accompagnement social à domicile ou d’insertion par l’activité. Mais la crainte était forte de se refermer sur l’inéluctabilité, la fixité et la focalisation sur le seul manque. Finalement, ce ne sera pas la maladie psychique qui donnera lieu à un taux d’incapacité, mais les limites qu’elle suscite et sa résultante sociale. Elle sera officiellement reconnue par la loi de 2005, comme un désavantage justifiant d’un droit à compensation. Pour autant, il reste complexe d’identifier les affections donnant droit à cette reconnaissance.
L’auteur, tout en proposant un tableau des différentes maladies mentales nécessitant des soins importants et réguliers, rappelle que leurs manifestations ne sont pas toujours visibles, n’atteignent pas toujours les facultés intellectuelles, et restent évolutives dans le temps, pouvant donc se manifester par succession de crises aiguës et de périodes de rémission. La situation devient d’autant plus confuse que l’injonction faite aux individus d’avoir à se montrer responsables et autonomes et de savoir, sans faille, faire face aux aléas de l’existence fragilise davantage encore les plus vulnérables, venant pathologiser les douleurs existentielles et les impasses subjectives.
Certaines statistiques évaluent entre 20 et 25 % la proportion de la population mondiale ayant connu un épisode de trouble mental au cours de leur vie, dont 10 % des enfants. Sans cacher les effets positifs de l’intégration du handicap psychique dans la nomenclature de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), Sébastien Muller s’interroge sur la psychiatrisation du social et l’handicapisation de la psychiatrie. La validité du symptôme ne se réduit pas à la limitation d’activité, les subtilités de l’être humain ne se laissent pas apprécier par les seules catégories du faire et de l’avoir.
Il ne faudrait pas réduire le sujet à un paquet de besoins à qui on offrirait un paquet de prestations. La prétention de rétablir le bon fonctionnement de l’individu au regard des exigences de l’insertion sociale ne doit pas se réaliser au détriment du risque de la rencontre.
Dans le même numéro
Critiques de livres