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Considération, vous avez dit considération ?

C’est très tôt dans une carrière qu’il faut faire face au mépris dans lequel est tenu le travail social. Illustration à Rezé.

Si l’on voulait trouver un exemple du degré de désaffection qui frappe le travail social, on pourrait évoquer la saga du Ségur qui a égrené au cours de mois les catégories professionnelles successives destinataires de cette prime de 183 euros.
On pourrait aussi faire état des difficultés grandissantes pour trouver des titulaires aux postes vaquant pourtant le plus souvent en Contrat à durée indéterminée.
On pourrait encore évoquer les presque 38 % d’inscriptions de vœux en moins sur Parcoursup pour les éducateurs spécialisés qu’en 2020, les - 40 % chez les éducateurs de jeunes enfants et les - 32 % chez les assistants de service social.
Perte de sens, surcharge de travail pas sous-dimensionnement des postes de travail, salaire dont le montant s’est dégradé au fil des décennies etc.
Alors, on espère que les écoles de formation vont se montrer attirantes.


Manger où l’on peut, comme on peut


Une action contre-productive

Ni le Conseil régional des Pays de Loire, autorité de tutelle de l’ARIFTS (1) de Rezé, ni le CROUS de Loire Atlantique (2) n’en prennent le chemin. En 2014, un nouveau campus est livré. Vont s’y déployer la préparation de treize diplômes des métiers du social et de l’éducatif (mais aussi d’aide-soignante) et près d’une centaine de modules de formation continue du social.
Initialement, y a été conçu un espace de restauration confié à l’ADAPEI (3). Belle initiative que de proposer cette mission au tiers secteur de l’économie sociale et solidaire. Sauf que le public concerné est pour l’essentiel composé d’étudiants aux ressources limitées. Dans les Restaurants universitaires gérés par les CROUS, le coût réel d’un repas qui frise les 7 €, mais est facturé 3,20 € et même 1 € pour les étudiants en situation de précarité. Rien de tel pour les convives de l’ARIFTS. La raison en est simple : le prestataire ne reçoit aucune subvention. Même en tentant de se rapprocher du prix coûtant, soit 7,40 €, le budget devient déficitaire. Pour l’année scolaire 2020/2021, le Conseil Régionale et l’ADAPEI décident de sous-traiter avec l’entreprise Poivre et Sel.


Des salles de classe mis à disposition pour se mettre à l’abri de la pluie


Mobilisation

Après avoir tenté en septembre 2021 une négociation qui s’est avéré infructueuse, un mouvement de boycott est lancé, afin d’interpeller les autorités de tutelle sur l’impossibilité avec un budget étudiant, de supporter un tarif de 7,40 euros qui reste entre deux et sept fois plus élevés que celui du restaurant universitaire le plus proche, distant de trente minutes, en transport en commun. Aucune réponse de la Région. Le prestataire cesse de proposer des repas et la salle de restauration collective est fermée à double tour. Le Conseil régional n’ayant autorisé que quatre micro-ondes sur l’ensemble des bâtiments, deux cents étudiants se pressent dans des files d’attente pour faire réchauffer leurs plats ou acheter des sandwichs dans la boulangerie voisine. Les consignes de distanciation physique sont alors encore en vigueur … mais pas au moment des repas !
Un courrier est adressé au CROUS, faisant valoir que les étudiants de l’ARIFTS paient la Contribution de vie étudiante et de campus, sans bénéficier en retour de la prestation de repas. Cet établissement public qui affirme « contribuer à la réussite de tous les étudiants de l’académie, en leur assurant des conditions de vie satisfaisantes au cours de leurs études » n’a pas répondu. Il semble bien plus sensible au prestigieux « quartier de la création » (regroupant l’école d’Archi, des Beaux-Arts, de Sciences Com et d’Audienca...) où il a inauguré en février 2022 un lieu de restauration flambant neuf !


Les quelques micro-ondes disponibles pris d’assaut


Un courrier est adressé aussi Conseil régional qui n’a jamais daigné répondre.
Le restaurant n’a pas réouvert à la rentrée 2022.
Que fait l’ARIFTS ? Elle ne peut que déplorer la situation, tentant tant bien que mal de compenser, en ouvrant ses salles de cours pourtant depuis toujours interdits à la consommation de repas. Marylène Cars, sa directrice n’hésite pas à accuser : « c’est l’Etat qui est défaillant ».
Mais, après tout, ne faut-il habituer dès maintenant les futurs travailleurs sociaux aux conditions de dégradation dans lesquelles ils vont entamer leur carrière ? Travailler plus avec moins de moyens ne devrait-il pas être intégré très tôt, histoire de bien se préparer à ce qui les attend ? Il est sûr, à n’en pas douter, que c’est là la bonne voie pour répondre à la mise en tension de métiers qui trouvent de moins en moins de candidats !

Jacques Trémintin


Contact : syndic.arifts.reze@gmail.com

(1) Association régionale pour l’institut de formation en travail social
(2) Centre régional des œuvres universitaires et scolaires
(3) Association départementale des parents et enfants inadaptés