N° 1352 | Le 2 janvier 2024 | Espace du lecteur (accès libre)
Par Sylvie Kowalczuk, assistante de service social, formatrice et autrice
Les quand scénaristes ont oublié la sincérité des gestes, la tranquillité des actes compétents, le souffle chaud des acteurs convaincus, obstinés et purs.
Les compositeurs sont passés à côté de la mélodie, piétinant l’harmonie de l’humanité. Les fausses notes s’enchaînent obligeant les acteurs à hurler la dysharmonie qui se répand malgré eux.
Le décorateur a habillé la scène de faux semblants au vocabulaire trompeur. L’éclairagiste a jeté l’ombre sur des souffrances impudiques.
L’habilleuse a troqué les costumes des professionnels formés contre des vêtements ordinaires plus avantageux.
Le générique offre sa partition enchantée et artificielle aux couleurs chatoyantes du changement imposé comme la seule alternative.
Le chef d’orchestre s’est empressé d’enquiller les concerts négligeant la qualité et bafouant les spectateurs, trompant l’auditoire.
Le producteur a serré les cordons de la bourse, négligeant les confiances ébahies, foulant du pied les attentes infructueuses d’une loyauté perdue.
Oubliées l’éthique et la droiture. Oubliés l’écoute respectueuse et les regards empathiques. Oubliées les dignités, les différences.
Aujourd’hui, voient la victoire d’une dématérialisation indifférente et réificatrice, la splendeur des rentabilités sourdes et cruelles, la déshumanisation célébrée. Exit les singularités, les temporalités, les accompagnements et les doutes, les discussions réflexives et les régressions, les innovations, les risques.
Fini le Rock’N Roll, la liberté et la confiance ! Terminées les transgressions salvatrices, les victoires co-construites, les manifs rebelles, les vapeurs de joies, les shoots émotionnels ! Tout ceci est enveloppé du voile incolore, inodore, inaudible de l’économie gestionnaire, tableaux Excel et logiciels savants.
Alors les corps et les âmes des acteurs, fiers combattants pleins d’espoirs, maintenant déçus, meurent sur scène un à un, vidés de leur substance vitale, dernières traces de lueurs humaines, ultimes gouttes luisantes d’émancipation étouffée.
Crever les tombes.
Sous les ovations des ignorants possesseurs, la respiration finale de l’humanisme bruit avant que ne s’étale la noirceur désinvolte sur notre monde vaincu.
Alors les projecteurs s’éteignent, tombe le rideau, pour faire place au silence amer létal.