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🎥 DOCU âą Des mots sur lâenfer
Survivants de leur exil, Bailo, Egbal, ChĂ©rif et dâautres parviennent jusquâau village de Conques, en Aveyron. LĂ , un travail musical fera surgir, sous forme de chants, leur parole murĂ©e.
« Ceux qui traversent ne parlent pas »âŠ Le constat est partagĂ©, unanime, Ă©manant dâhommes ou de femmes venus de Somalie, de GuinĂ©e Conakry, du Soudan, dâĂrythrĂ©e, du Mali⊠En effet : comment mettre en mots les tabassages, les viols, les 4 x 4 dĂ©bordants de cadavres, lâhumiliation, la torture, toutes ces tragĂ©dies individuelles ?
Dire la barbarie
« Jâai compris que survivre ne voulait pas dire ĂȘtre capable de vivre. Que lorsquâils sont livrĂ©s Ă eux-mĂȘmes, ceux qui ont traversĂ© lâhorreur voient leurs pulsions de mort ressurgir » explique la cinĂ©aste, CĂ©cile Allegra, qui a fondĂ© voici dix bonnes annĂ©es lâassociation Limbo pour favoriser leur reconstruction. Pour ce faire, il fallait « un espace enveloppant et protecteur ». Au cĆur de lâAveyron.
Conques, sa magie
Quoi de mieux ? Petit village mĂ©diĂ©val du Lot en son Ă©crin de verdure, connu pour son abbatiale (aux lumineux vitraux de Pierre Soulages), Conques est ici personnage Ă part entiĂšre. Saison aprĂšs saison, lâassociation y installe ici ses ateliers dâart-thĂ©rapie et de musicothĂ©rapie pour celles et ceux qui ont survĂ©cu aux camps libyens. LĂ , via des ateliers voix, chant ou Ă©criture, a lieu un vrai travail sur la mĂ©moire du corps, la rĂ©paration, le lien Ă lâautre. Et des rĂ©cits de vie Ă©mergent.
DĂ©passer le cauchemar
« MĂȘme les chĂšvres vivent mieux que nous en Libye⊠Une mer de naufragĂ©s⊠Moi je suis ici, et je suis lĂ -bas⊠Un voyage vers lâenfer, mais plus que lâenfer⊠Et moi, je me refuse Ă nâĂȘtre quâun migrant⊠Pourquoi partir pour aller nulle part ?⊠» : on chante pour exorciser, pour transformer ses cauchemars, Dans une ambiance plus que bienveillante, celles et ceux qui peuvent trouver les mots se reconstruisent.
Mots et musique
Quand les jeunes rescapĂ©s ne peuvent dire, parfois ils chantent. « La musique dĂ©verrouille petit Ă petit lâimpossibilitĂ© de nommer les choses » note la rĂ©alisatrice. Alors, pour faire renaĂźtre la vie, des hymnes toniques, aux intitulĂ©s limpides — « Vivants ! », « Partir ou mourir », « Plus que lâenfer », « Et je repense souvent »âŠ — tracent leur chemin de rĂ©silience. Un langage pour rendre audible lâindicible.
Joël Plantet
Le Chant des vivants
Un documentaire de CĂ©cile Allegra. 82 minutes.
Le Chant des vivants a raflé trois prix à la 4Úme édition du festival du film social (octobre 2022) : prix Unaforis, prix de la Ville de Paris, prix du public.
Sortie le 18 janvier 2023.
Pour aller plus loin :
lire archives SociĂ©tĂ© sur le thĂšme droit d’asile