N° 1132 | Le 9 janvier 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La violence est profondément liée à la condition humaine. Elle ne constitue pas seulement un fléau. Disciplinée, canalisée ou sublimée, elle peut même représenter un allié précieux. Maintenir le mythe de son éradication conduit à diaboliser l’agresseur et à victimiser l’agressé, en oubliant la signification que peut endosser un même acte violent, changeant de sens selon la période et les circonstances dans lesquelles il se produit. Se référant à la systémie, Thierry Darnaud nous propose une réflexion roborative sur la complexité d’une problématique qui est trop souvent traitée de manière binaire. Appliquant son raisonnement à la maltraitance envers les personnes âgées, il montre le flou des critères permettant de qualifier l’intentionnalité et de déterminer les effets. L’aide face à la dépendance porte en germe le risque de prétendre savoir ce qui est bien pour la personne diminuée.
De là à lui faire du tort, en profitant de fait de sa fragilité, il n’y a qu’un pas. Le seuil séparant le laisser-faire de la stimulation, la tolérance de l’ingérence et l’aide de l’intrusion est vite franchi. Il ne s’agit nullement ici de déresponsabiliser les auteurs de maltraitance. Les coups, les privations, les contentions, les gavages, la surmédicalisation et autres actes violents relèvent bien des tribunaux. Pour autant, cela n’implique pas de réduire la problématique à un enchaînement de relations causales linéaires. Tout au contraire, il est nécessaire de la placer dans une perspective rétablissant la boucle de rétroaction circulaire : un effet pouvant devenir une cause, rétablissant ainsi la réalité dans toute sa complexité. La question qui se pose n’est pas tant de contester l’existence de la maltraitance que de comprendre les conditions de son émergence et ce qui s’y joue, afin de veiller à ce qu’elle ne se perpétue pas.
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