N° 759 | Le 30 juin 2005 | Philippe Gaberan | Critiques de livres (accès libre)
Denis Vaginay, psychologue dans un institut médico-educatif (IME) et en cabinet privé, connaît bien son sujet lorsqu’il propose de faire découvrir les déficiences intellectuelles, dans la collection Trames créée par les éditions érès.
Des pages 90 à 114, notamment, il se livre à une très belle démystification de l’intégration des personnes déficientes intellectuelles, et propose que, sans renoncer à l’acceptation réciproque des différences, ne soit jamais gommée pour autant la réalité du handicap. De même, les 39 premières pages expliquent fort bien comment la déficience est d’abord une affaire de normes sociales et culturelles, qui entraînent un jeu complexe de représentations évoluant avec les mœurs et les technologies. « Il faut se méfier des apparences » affirme Denis Vaginay au début de ses considérations sur la norme. D’aucuns jugeront qu’il s’agit là d’une évidence qui ne mérite pas tout un bouquin ! Et pourtant… Sans doute les éditions érès ont-elles vu juste en créant une collection de poche sur le travail social.
Des petits livres, toujours de bonne facture, parcourent un thème qu’ils restituent dans sa globalité. L’exercice a ses limites. Ainsi le lecteur averti regrettera-t-il sans doute le passage trop rapide sur les CLIS (p.115) et sur le statut des ouvriers en structures de travail protégé (p.120). Mais ces quelques remarques sont tout compte fait assez anecdotiques ; en revanche, il est plus regrettable que l’auteur puisse affirmer que certaines personnes déficientes « peuvent faire des enfants, quelquefois à la chaîne… » (p.160). L’auteur, qui est par ailleurs formateur, sait trop bien comment de tels propos, inutilement blessants, peuvent se retrouver tels quels sous la plume hâtive d’apprentis professionnels.
Or, il y a suffisamment d’idées reçues véhiculées par les médias de masse pour ne pas en rajouter dans les ouvrages de référence. Mais ces avertissements étant posés, l’ouvrage est de très bonne qualité, et il est à mettre entre les mains des élèves éducateurs et de tous ceux qui, dans le secteur, sont appelés à travailler dans le secteur de la déficience intellectuelle. L’un des nombreux intérêts de ce petit livre, qui se lit en trois heures de train, est dans sa postface qui rappelle combien les personnes déficientes bénéficient d’une « place précaire », mais que « la persévérance des parents et le travail des professionnels contribuent à l’améliorer ». Il est bien que cet ouvrage se termine sur l’alliance de la persévérance des uns et du travail des autres.
Enfin, l’auteur suggère, avec pertinence, que les sociétés postindustrielles atteignent sans doute les limites de l’humain par le degré d’autonomie qu’elles exigent des personnes. Dans ce monde-là, les personnes fragiles ont de moins en moins leur place. Il suffit alors de revenir à l’avant-propos du livre et de se rappeler avec l’auteur que « la différence est un manque. Elle pourrait évoquer la fragilité… Or, il n’en est rien, la déficience est avant tout une différence, même si elle peut être ténue. »
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