N° 1216 | Le 2 novembre 2017 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’histoire est longue de l’introuvable définition du réfugié. Sans doute parce que ce n’est pas une identité, mais une catégorie institutionnelle construite artificiellement qui se transforme sans cesse, au fil du temps, au gré des priorités politiques nationales et des changements de rapports de force internationaux. L’octroi de l’asile ou de la qualité de réfugié relève bien plus d’une prérogative de l’État – qui définit, à un moment donné et pour les raisons qui lui sont propres, une politique migratoire – que d’un droit subjectif et universel dont tout individu pourrait se prévaloir.
Ainsi, en pleine guerre froide, il suffisait d’être Russe, Polonais ou Tchécoslovaque pour obtenir instantanément un statut de réfugié. Il en fut de même, entre 1979 et 1986, quand la France ouvrit ses frontières à 150 000 personnes fuyant le sud-est asiatique (630 000 dans le monde). Le nombre d’exilés importe peu quand la volonté politique de les accueillir existe. Notre pays était trop heureux de déconsidérer les régimes communistes à l’origine de ces migrations. En comparaison, les Portugais et les Espagnols fuyant les régimes de Salazar et de Franco furent traités avec bien moins de bienveillance : il s’agissait de préserver les bonnes relations avec les deux dictatures ! Depuis le rapprochement diplomatique avec la Turquie, les Kurdes posant une demande d’asile doivent apporter la preuve qu’ils sont bien persécutés et qu’ils n’ont pas pris part à la lutte armée. Quant aux femmes évoquant les pratiques religieuses discriminatoires, elles étaient déboutées jusqu’aux années 1980, au prétexte qu’il ne fallait pas interférer dans les coutumes propres à leur pays d’origine. Il s’établit donc bien une hiérarchisation quant à la légitimité de la demande d’accueil entre des populations pourtant confrontées aux mêmes malheurs.
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