N° 1216 | Le 2 novembre 2017 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Pour accompagner les réfugiés, il faut renoncer à ces idées reçues, à ces poncifs pseudo-culturels et à ces représentations psychologisantes si souvent plaqués sur ces populations. C’est cette expérience que nous livre ici Pascale Ruffel, psychologue au Centre nantais d’hébergement des réfugiés, dans un écrit empreint de retenue et d’humilité. S’exiler, rappelle l’auteure, confronte à un bain de sons et de langue qui vous enveloppe de son étrangeté.
« La dépossession de la langue, c’est se retrouver nu et exposé dans son rapport au monde, c’est recevoir de plein fouet les vicissitudes sans distance et possibilité de traduction » (p. 96). Tout ce qui semblait aller de soi s’évanouit. Le temps d’avant est comme effacé, oublié, aboli. Ce qui est vécu n’est pas seulement le déplacement, mais aussi l’expérience du hors lieu. Pour l’intervenant, aller vers cet autre qui ne parle parfois pas vingt mots de français, c’est emprunter des chemins diversifiés tantôt balisés, tantôt de traverse. C’est parcourir une cartographie, qui ne cesse de se composer et de se recomposer, des guerres et des droits de l’homme bafoués, des souvenirs d’enfance, des saveurs et des langues. C’est gérer le déni, l’intellectualisation, la fascination, la culpabilité, la défensive ou le rejet se bousculant en soi. C’est, à travers le dépouillement et la simplicité de la rencontre, re·trouver le chemin de l’humanisation.
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