N° 665 | Le 8 mai 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Le chômage est un mal qui ne frappe décidément pas au hasard. Diverses variables physiques, démographiques, professionnelles et psychologiques influent sur le degré d’employabilité des personnes à la recherche d’un emploi. Parmi les catégories vulnérables, les études ont repéré depuis longtemps les femmes (d’une manière générale), les personnes handicapées et les hommes de plus de cinquante ans. Les immigrés et les étrangers ne sont pas épargnés non plus par les processus discriminatoires.
Une analyse de l’INED de 1992 démontre en effet sans ambiguïté qu’à niveau de qualification égal, les jeunes âgés de 20 à 29 ans nés à l’étranger ou nés en France d’un parent lui-même né à l’étranger ont une plus grande probabilité d’être privés d’emploi que la moyenne des jeunes Français. Le cas des jeunes Algériens est le plus critique. Au moment de l’enquête, 37 % des sujets titulaires d’un diplôme inférieur au bac n’exerçaient pas d’emploi contre 15 % en moyenne nationale. Mais, même à un niveau de formation plus élevé, les jeunes d’origine non européenne éprouvent de sérieuses difficultés à intégrer le monde du travail. L’absence de capital relationnel particulièrement utile pour se frayer un chemin efficace vers l’emploi leur fait, bien souvent, cruellement défaut.
Au vu de ces chiffres, la discrimination basée sur des critères ethniques est un phénomène que l’on peut difficilement nier. Certaines études, à prendre cependant avec précaution, estiment que la moitié des offres d’emploi émanant de petites entreprises, d’artisans ou de commerçants serait discriminatoire, l’apparence ethnique constituant à cet égard le facteur discriminant majeur. Le modèle français d’intégration basé sur l’égalité des chances est, de toute évidence, bien malmené. La discrimination revêt diverses formes, de la plus officielle aux plus subtilement sournoises, que l’auteur passe en revue.
Néanmoins, le recours à la coercition à l’encontre des employeurs « indélicats » ne semble pas être la meilleure solution, car cela peut avoir pour effet une amplification du phénomène. Mohammed Rebzani préconise plutôt de privilégier des actions pédagogiques d’accompagnement faisant intervenir les techniques de médiation pour tenter d’apporter des améliorations. La méthode du « premier pas » qui consiste à faire évoluer le comportement des employeurs de manière progressive semble particulièrement adaptée.
L’ouvrage de Mohammed Rebzani est incontestablement une mine d’informations sur le thème de la discrimination. On regrettera peut-être un ton et une mise en page un peu austères, très « travail universitaire irréprochable », mais ? PUF oblige !
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