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Disparition de Monique Maitte
- ©MoniqueMaitte
Monique Maitte, figure de proue du collectif SDF Alsace, est décédée ce 4 juillet. Elle portait une parole forte pour défendre les droits des personnes à la rue, dénonçait les rouages infernaux de l’hébergement d’urgence, racontait comment la poésie l’avait maintenue en vie. Cette puissance de la poésie, elle l’amenait dans le documentaire de Simone Fluhr, Rivages, où elle témoigne avec pudeur de ses années de vie à la rue : « Renouer avec les larmes, c’est renouer avec la vie, avec soi-même d’abord. Il ne s’agit pas de pleurer sur soi, il s’agit de pleurer, de laisser couler ».
- Le documentaire Rivages en VOD https://www.filmsdocumentaires.com/films/5341-rivages
Nous avions recueilli son témoignage en 2013 pour un dossier intitulé « les mille et une conditions de l’hébergement inconditionnel ». Alors, elle nous livrait l’absence de réponses adaptées aux femmes victimes de violence : « On ne m’a proposé que de très rares solutions pour femme victimes de violences. Elles ne me convenaient pas. Je n’aimais pas être coupée du reste du monde, dans une ambiance de femmes victimes. L’hébergement collectif ne me convenait pas, avec à la tête un directeur paternaliste. Je n’arrivais pas à souffler. Aucun endroit dans ces lieux ne permettait que je me pose un peu. Je suis repartie à la rue en leur disant qu’elle serait plus facile pour moi, à l’époque ».
Elle fustigeait les dispositifs d’urgence et d’insertion : « Les gens sont triés, laissés de côté, rejetés, repoussés, où sont enfermés dans tout ce que l’on appelle « l’insertion ». Ils n’arrivent pas à bouger, à avancer, ils sont coincés dans l’hébergement d’urgence qui nous enlève presque la possibilité d’accéder au logement. J’ai réussi à avoir un logement à partir du moment où j’ai dit stop à l’hébergement d’urgence ».
Qu’est-ce qui aurait répondu, selon elle, le mieux à sa situation ? : « A l’époque, pour répondre à mes besoins, il aurait fallu un logement individuel avec un accompagnement. J’avais besoin d’aide et j’en avais conscience. On me conseillait alors de voir un psychiatre mais moi j’avais juste besoin de renouer avec l’humain. Le collectif sdf, que nous avons créé, a finalement répondu à ces besoins. Nous étions ensemble, mangions ensemble, nous soutenions quand l’un d’entre nous allait mal, puis repartions chacun chez soi dans nos logements. Je n’étais jamais seule grâce à ce collectif mais en même temps j’avais des pans entier de mes journées où je pouvais rêvasser, j’avais besoin de rêvasser, j’avais besoin de voir des gens de ma fenêtre, de les regarder vivre, de voir des enfants sans me mêler à eux, jusqu’au moment où j’ai pu me mêler à eux de nouveau ».
En 2010, elle avait publié un premier recueil de poésie intitulé De la rue à la vie. Sur son blog, poésie sans domicile, qu’elle appelait son cahier de brouillon, elle écrit en 2019 : « Je reste dans la marge, hors temps, dans l’ombre, entre deux rives et le murmure des absents ».